AU COEUR DE LA TOURMENTE (Fr) *
Acoyer Amendment (English-US)

Ce livre des heures, dans le langage HTML afin de pouvoir être reproduit, égrène les signifiants de tout le petit peuple psy francophone...


... depuis le vote de l'amendement Accoyer

le 8 octobre 2003.

Septembre 2004 : bientôt un an, le combat continue...




AU COEUR DE LA TOURMENTE
Sommaire

(10 références de A à J)

 

A- L'Amendement Acoyer (Fr)
     (English-Us)

B- “ Plan d'actions ” Cléry-Melin
    par Vincent Lucas

C- Le manifeste Psy
     rédigé par JAM

D- Appel du 2 décembre ; pour la psychanalyse
     par Judith Lacan et Jacques-Alain Miller

E- La mission de monsieur Auguste (1998) ; appliquer le TQM
    par Luc Garcia

F- Le rapport Matillon : l'évaluation des compétences
    par Victor Rodriguez

G- Le rapport de l'INSERM : Sur les psychothérapies
     par Vincent Lucas

H- Aux portes du Ministère
  
  par Luc Garcia

I- Déclaration des psychologues freudiens (Fr)
    
(English-US)

J- Qu'est-ce que la SARP ?
    Une société d'action et de recherche en psychiatrie
    par Dr Sophie Bialek, Dr Jean-Daniel Matet, Dr Pierre Sidon.


A

      Le mercredi 8 octobre 2003, l'Assemblée Nationale a adopté
l'amendement n°336, troisième rectification,
présenté par M. Accoyer et ainsi rédigé :


Article L. 3231— Les psychothérapies constituent des outils thérapeutiques utilisés dans le traitement des troubles mentaux.

“ Les différentes catégories de psychothérapie sont fixées par décret du ministre chargé de la santé. Leur mise en œuvre ne peut relever que de médecins psychiatres ou de médecins et psychologues ayant les qualifications professionnelles requises par ce même décret. L'agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé apporte son concours à l'élaboration de ces conditions.

“ Les professionnels actuellement en activité et non titulaires de ces qualifications, qui mettent en œuvre des psychothérapies depuis plus de cinq ans à la date de promulgation de la présente loi, pourront poursuivre cette activité thérapeutique sous réserves de satisfaire dans les trois années suivant la promulgation de la présente loi à une évaluation de leurs connaissances et pratiques par un jury. La composition, les attributions et les modalités de fonctionnement de ce jury sont fixées par arrêté conjoint du ministre chargé de la santé et du ministre chargé de l'enseignement supérieur.

L'article L. 3231 étant à insérer après l'article 18, dans le titre III du livre II de la 3 e partie du code de la santé publique.

/// (English-US)

On Wednesday, October 8th, 2003, the National Assembly adopted the amendment
n°336, the third rectification, presented by Mr Accoyer and so drafted:


" Article L. 3231-The psychotherapies constitute therapeutic
tools used in the treatment of the mental confusions.

" The various categories of psychotherapy are fixed by decree of the
minister of health and social security. Their operated can
raise only from doctors psychiatrists or of doctors and psychologists
having the professional qualifications required by the same decree. The
national agency of accreditation and evaluation in health brings its
competition to the elaboration of these conditions.

" The professionals at present in service and the not holders of these
qualifications, which operate psychotherapies since more from
five years to the date of promulgation of the present law, Can pursue this
therapeutic activity under reserves to satisfy in three years following the
promulgation of the present law in an evaluation of their knowledge and
practices by a jury.  The composition, the attributions and the modalities
of functioning of this jury are fixed by joint order of the minister of
health and social security and the Minister in charge of the higher
education?.

The article L. 3231 being to insert after the article 18, in the title III
of the book II of 3 e left the code of the public health.


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B

PLAN D'ACTIONS, CLÉRY-MELIN

2 octobre 2003

par Vincent Lucas *

     Le Plan d'actions pour le développement de la psychiatrie et la promotion de la santé mentale de P. Cléry-Melin, V. Kovess, J.-C. Pascal (1) a été commandé par le ministre de la santé pour s'intégrer dans son Plan hôpital 2007, qui marque le retour massif de la psychiatrie dans la médecine. Le plan hôpital 2007 révolutionne l'offre de soins : disparition de la frontière médecine publique / médecine privée, organisation de la première sur le modèle de l'entreprise lucrative, avec un changement de son mode de financement — la tarification à l'activité (les hôpitaux reçoivent l'argent correspondant aux pathologies qu'ils traitent selon un barème du coût de la “ bonne pratique ” définie pour ces soins. Ainsi une appendicite chez un sujet dit “ en bonne santé ” reçoit un tarif fixe correspondant à un séjour préétabli).

Si la psychiatrie n'est pas soumise encore à cette tarification, le plan Cléry-Melin suit la même logique : standardiser les coûts en faisant de même pour les pratiques. Il est donc amené à redéfinir le “ besoin de soin ” selon des critères objectifs et l'existence d'une thérapeutique jugée efficace. C'est une première historique en France de conditionner une demande de soin à l'existence d'un traitement déjà connu. Si le “ besoin de soin ” ainsi défini n'est pas avéré, la demande est reversée dans les institutions sociales. Une restriction supplémentaire de l'offre passe par une redéfinition de la psychiatrie en termes purement médicaux, la limitant donc aux symptômes de “ maladies ” mentales, définis par des classifications diagnostiques très largement dénoncées par les professionnels.

Standardisation de la demande, du diagnostic, du traitement, et bien sûr des psychothérapies, placées sous le contrôle médical de “ bonnes pratiques ” définies par des “ experts ” et administrées par un “ psychiatre coordinateur ”. Pour que rien n'échappe, la recherche est elle-même redéfinie, à l'encontre de toute la tradition française, au profit d'une seule “ vraie ” recherche, “ médico-économique ” ou épidémiologique, extérieure aux praticiens.

Il s'agit d'une déresponsabilisation systématique du clinicien qui reçoit un patient. Or, c'est dans une responsabilité véritable de ses choix thérapeutiques que se loge la seule garantie de ses actes.

* Vincent Lucas est psychologue freudien

(1) Site :
www.forumpsy.org/resource.html

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C

LE MANIFESTE PSY

Paris, le 15 novembre 2003,

Nous, les psys, qui traitons “ la demande qui part de la voix du souffrant, d'un qui souffre de son corps ou de sa pensée ” (citation de J. Lacan) ;

Nous, professionnels de l'ensemble des modes d'exercice de la psychanalyse, de la psychologie clinique, des psychothérapies, et de la psychiatrie publique et privée, réunis en forum à Paris ce 15 novembre 2003, déclarons ce qui suit :

Le 2 octobre dernier, le Ministère de la Santé a annoncé dans un communiqué officiel “ l'élaboration d'un plan global sur la Santé Mentale ” sur la base du “ Plan d'actions ” Cléry-Melin, précédée d'une concertation dite “ élargies ” associant “ les professionnels et les représentants de l'ensemble des modes d'exercice de la psychiatrie (publiqu et privée), ainsi que les associations des malades et de leurs famille ”. Ce qui veut dire en clair qu'on entend exclure de toute concertation les professionnels et les représentants de l'ensemble des modes d'exercice de la psychanalyse, de la psychologie clinique, et des psychothérapies.

Le 8 octobre dernier, l'Assemblée Nationale, gauche et droite confondues, a voté à l'unanimité l'amendement 336, troisième modification, du Code de la santé publique, dit “ amendement Accoyer ”, et ce sans ouverture préalable d'un débat public, sans auditions des professionnels concernés, et sans être elle-même informée de données essentielles, dont le rôle que le Ministre chargé de la Santé entendait faire jouer au “ plan d'actions ” Cléry-Melin. Ce vote constitue en lui-même une “ pathologie de la démocratie ”.

Le Communiqué et l'amendement sont les deux faces d'un même projet dont la réalisation mettrait en coupe réglée la santé mentale en France au bénéfice des cliniques privées, et mettrait au pas la psychanalyse et les psychothérapies au bénéfice des laboratoires pharmaceutiques : nos professions sont en effet les principaux obstacles empêchant le triomphe total des psychotropes, dont les français sont d'ores et déjà les premiers consommateurs dans le monde.

En conséquence de quoi :

•  Nous demandons la suppression pure et simple du Communiqué du 2 octobre dernier.  

•  Nous demandons respectueusement aux Sénateurs de procéder aux auditions des représentants qualifiés de nos professions, puis de geler le vote de l'amendement Accoyer, dans l'attente de la proposition du ? Forum des psys ?, en cours d'élaboration.

•  Nous prions le Ministre de la Santé, M. Mattei, le Ministre de la Culture, M. Aillagon, et le Secrétaire d'État aux professions libérales, M. Dutreil, de recevoir la délégation dite du ? Forum des psys ?, qui leur exposera les enjeux de la présente affaire et les raisons de l'émotion populaire et médiatique : enjeux de santé publique, enjeux de civilisation, enjeux professionnels.

•  Nous suggérons à Alain Juppé qu'il ne serait pas inoppportun que le président de l'UMP songe à prendre position sans trop tarder sur les initiatives mal orientées du député UMP de Haute-Savoie, M. Accoyer, qui défrayent fâcheusement la chronique.

•  Nous souhaitons la constitution d'un groupe de travail, comprenant, avec la délégation du “ Forum des psys ”, des représentants des deux chambres et ceux de l'ensemble des professionnels intéressés au “psy ”, depuis les psychiatres jusqu'aux travailleurs sociaux et infirmiers, sans oublier les associations des malades et usagers.

      Nous nous considérons comme mobilisés jusqu'à la suppression du Communiqué Mattei et au gel de l'amendement Accoyer.

Texte rédigé par JAM

Adresser les signatures à :

Ornicar ? - Forumpsy

9, rue Dugaiy-Trouin, 75006 Paris,

ou via le site : www.forumpsy.org


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D

APPEL DU 2  DÉCEMBRE

pour la psychanalyse 


Le vote discret de l'amendement Accoyer par l'Assemblée nationale, puis le grand tapage de la campagne d'affolement et d'intimidation lancée courant novembre par le député de la Haute-Savoie, ont eu pour résultat d'alarmer d'innombrables patients, leurs proches et leurs thérapeutes, bien que les médias aient fort heureusement relativisé les extravagances répandues.

Bien entendu, ni les psychanalystes, ni les psychologues cliniciens, ni les psychothérapeutes, ne menacent le moins du monde la santé publique. Dans ce domaine, le risque est infime. L'avoir soudainement majoré et transformé en menace est  à la fois: aberrant du point de vue intellectuel ; irresponsable du point de vue politique ; pervers du point de vue civique. On aurait voulu provoquer une panique que l'on ne s'y serait pas pris autrement. Au fait, savez-vous que des spécialistes en panique sociale, ça existe ? Et qu'il faut désormais penser à nous protéger de ces experts qui, avec leurs prétendues sociétés de ? vigilance ?, font en temps réel des expériences dont nous sommes les cobayes ?

On a lancé une chasse aux charlatans parmi les psys. Or, le thérapeute à qui vous vous confiez vous a certainement été recommandé par l'un de vos proches qui a pu apprécier son travail, par un médecin, par un psychologue scolaire, par un travailleur social. Cette connaissance par ouï-dire vaut tous les diplômes. Combien d'éminents professeurs qui sont inaptes, voire dangereux dans la pratique !

Non, la psychanalyse, la psychologie clinique, les psychothérapies, ce n'est pas la médecine. Celle-ci devient de plus en plus scientifique, technologique, ce qui est un bienfait, mais il en résulte qu'elle se tait de plus en plus. C'est ce qui explique que la psychanalyse se soit partout développée, et qu'elle l'ait fait indépendamment de la médecine. Les psychothérapies, la psychologie clinique, ont suivi.

Le plan consistant à médicaliser brusquement le champ psy en France par un coup de force législatif, en sidérant les professionnels, en les faisant trembler, en jouant sur leurs divisions, et en spéculant sur leur couardise face à l'État, était digne du Grand Guignol  : un 2 décembre scénario Kafka, mise en scène Ubu, co-production Big Brother - Marx Brothers . Dans quels antres de notre société cet Opus diabolicum a-t-il bien pu être conçu ?

La mobilisation qui, au-delà du mileu psy, s'étend chez les intellectuels et les artistes ; l'émotion qui, au-delà des frontières françaises, se répand en Europe et dans le monde latin ; la sagesse légendaire des sénateurs ; tout laisse espérer que l'amendement Accoyer ne passera pas. Mais ne nous y trompons pas : ce projet insane bénéficie encore de soutiens aussi discrets que puissants dans les allées du pouvoir comme dans celles de l'opposition. La tunique de Nessus, certes, est en loques, mais des petites mains s'activent encore dans l'espoir de la ravauder. La mobilisation devra encore s'amplifier jusqu'à ce que la bête soit terrassée.

D'ores et déjà nous savons que plus jamais nous ne dormirons tranquilles. Nous n'oublierons pas l'expérience de cauchemar que nous aurons vécue : le souffle haletant de la bête — la grimace de “ l'arbitraire légal ” (Y.-Ch. Zarka) —, le mufle d'un Léviathan imbécile marchant l'amble, titubant, son grand corps manifestement trop puissant pour une cervelle atrophiée — l'indifférence de presque tous les hommes politiques alertés, non de tous heureusement.

Plus jamais ça ! 

Il nous faudra former une commission d'enquête citoyenne, et déterminer avec précision comment cet épisode honteux et inquiétant pour l'avenir a pu se produire.

Il nous faudra ensuite agir de façon régulière, persévérante, permanente, auprès du public et auprès des pouvoirs publics, pour informer, défendre, promouvoir.

Si nous voulons que subsiste la pratique de l'association libre et de l'interprétation telle que l'a connue le XX è siècle, que le choix transférentiel, et non bureaucratique, du thérapeute demeure licite, que cette enclave de liberté, ce village d'Astérix qu'est l'espace psy, ne soit pas submergé par des bataillons d'évaluateurs à la manque, alors il nous faudra nous battre pour la cause freudienne — en citoyens, dans les conditions du XXI è siècle, ici, maintenant, moi-même, toi-même, vous-même (pas quelqu'un d'autre ).

Judith Lacan

Jacques-Alain Miller



VLP–Vive la psychanalyse ! 5, rue de Lille, 75007 Paris,
contact@vlp.cc ou judithm@easynet.fr

Présidente : Judith Lacan.

Membres du Conseil d'administration  : Françoise Castro, Roland Castro, Catherine Clément, Roland Dumas, Bernard-Henri Lévy, Michèle Manceaux, Pierre Rey, Philippe Sollers.

Comité de gestion  : J.-A. Miller, secrétaire ; Daniel Roy, trésorier

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E

LA MISSION DE MONSIEUR AUGUSTE (1998) :

appliquer le TQM

par Luc Garcia *


        Les publications de l'École de Paris du Management (EPM), 94 Bd du Montparnasse, offre une large palette de témoignages, de rapports en tous genres, de thèses écrites par les élèves des Hautes Écoles de Commerce, en ligne ou sur le site même de l'École.

Certaines, toutefois, se distinguent par le talent, la carrière, l'étiquette aussi longue qu'un manuel de Microsoft, ou les responsabilités occupées — changement en moyenne tous les trois ans, c'est la règle pour prétendre à des postes d'encadrement —, etc. C'est ainsi que nous avons pu être renseigné sur les activités de M. Auguste, dont le travail a été présenté lors d'une soirée à l'EPM (1) .

Il était chez Thomson lors de sa première mise en application du Total Quality Management, une technique qu'il souhaite nous présenter. Aujourd'hui, il est Directeur de Corporate Quality and Environnement chez ST Microelectronics. Mais à l'époque, chez Thomson, lui a été confiée la périlleuse mission de relever la rentabilité d'une usine. Il a alors choisi la Total Quality Management , dont il avait tenté des approches, il était alors tout jeune, chez Philips, à Caen. Il nous explique la démarche. Au cours de l'exposé, il ne manque pas de préciser qu'il a, avec soin — M. Auguste dit lui-même accorder beaucoup d'importance au parcours social des employés —, mis à la porte la moitié de l'effectif. Mais, son usine, chargée de la fabrication de semi-conducteurs, fut, après la mise en application de la TQM , récompensée comme meilleure usine du groupe Thomson. M. Auguste a pu alors quitter l'usine, en 1997, laquelle, renseignements pris, a aujourd'hui fermé… remplacée d'ailleurs par une extension de l'usine de Malaisie qui était sa grande concurrente dans le groupe Thomson CSF. Il résume “ la philosophie de la TQM  ” en cinq principes :

1. L'engagement du management ? M. Auguste donne l'exemple et laisse toujours son bureau ouvert ;

2. La responsabilisation des employés ? ils sont toujours responsables de quelque chose collectivement ; par exemple, si une unité ne fonctionne pas bien, c'est l'ensemble des membres de l'unité qui ne touchera pas sa prime ; donc, tout le monde travaille, sans quoi la sélection se fera par les employés sur le collègue récalcitrant. M. Auguste n'intervient donc jamais dans les affaires internes ;

3. La décision basée sur des techniques factuelles ;

4. La volonté d'améliorer continuellement ? ça, c'est M. Auguste ;

5. L'accent sur le client interne et externe, qui fait que tout le monde est client de tout le monde.

Cependant, M. Auguste poursuit sa présentation. Il ne se contente pas de décliner les formes de son succès. L'assemblée, qui est venue ce jour-là l'écouter, lui est acquise. Alors, il se prend à rêver. Aux portes du désert que l'on appelle encore là-bas le Sahara — la Terre vide d'hommes —, l'usine était loin de l'Europe, au Sud du Maroc. Lorsque M. Auguste s'interroge sur sa mission, il en vient à l'Islam. Car, Georges Auguste est catholique pratiquant, avec “ son épouse ”. Il se surprend à avoir fait l'expérience du TQM face au Coran. Pour lui, nulle confusion : les deux se correspondent. Une précision cependant : “ cela correspondait aux coutumes religieuses telles qu'elles auraient dû être ”.

Voilà donc bien ce qui est visé dans cette démarche : faire parler son interlocuteur avec une langue standardisée, le ravaler, le réduire par cette machine de mort, que la mort soit le produit d'un consentement du discours, à l'issu duquel il ne restera qu'un robot, petit soldat terne et triste, inscrit dans une matrice. Avec régularité et empressement, une petite équipe viendra juger si le discours ne s'écarte pas de la matrice.

Nous avions connu le prolétaire marqué par une aliénation physique. Celui-ci n'a pas disparu, il s'est seulement transporté plus loin que Billancourt, vers d'autres frontières, où cette aliénation n'a jamais cessé d'exister. Les techniques managériales ajoute une aliénation supplémentaire, celle du discours, aliénation créée dans l'entreprise elle-même, par l'entreprise, et pour l'entreprise.

Au début du siècle dernier, Albert Kahn voyageait avec sa caméra pour filmer la fin d'un monde, qui selon lui allait disparaître, partout, dans chaque province de chaque continent. Ce qui était en jeu ? La modernité comme rouleau compresseur. Faudra-t-il que nous partions avec nos magnétophones, parcourir le monde pour nous rappeler la langue que l'on parlait encore avant le passage de M. Auguste et de ses valets ?


* Luc Garcia est psychologue freudien

(1) Site Internet :
www.ecole.org/Vie_des_Affaires_1998_6.htm


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F

LE RAPPORT MATILLON :
l'évaluation des compétences

Août 2003

par Victor Rodriguez *

      Dans la série des rapports consacrés à la réforme du système de soins (loi d'orientation en santé publique, loi d'orientation de l'assurance maladie) et de l'hôpital (plan hôpital 2007), le rapport Matillon est le premier. Il a été remis au ministre de la santé en août 2003. M. le professeur Matillon, rapporteur de la mission : “ Modalités et conditions d'évalution des compétences professionnelles des métiers de la santé ”, est l'ancien directeur de l'ANAES (l'Agence Nationale d'Accréditation et d'Évaluation en Santé, aujourd'hui dirigée par M. Coulomb). Il aborde la question de la garantie de la “ qualité ” à partir du modèle managérial de la compétence professionnelle (1). Mais la garantie tant recherchée ne s'appuiera que sur un pseudo-concept — il suffit de lire les affirmations du Pr Matillon qui constate que la compétence est :

? Un concept touchant à la notion de métiers, aux contenus des formations initiales et continues, aux modalités de gestion des ressources humaines, au développement de l'innovation et à l'amélioration de la qualité du service rendu (p.6) ?.

“ L'ensemble des caractéristiques individuelles (connaissances, attitudes) qui permettent à une personne d'exercer son activité de manière autonome, de perfectionner sans cesse sa pratique et de s'adapter à un environnement en mutation rapide (p.10) ”.

      Dans son étude, le Pr Matillon a pris pour modèle le rapport d'enquète publique concernant les enfants opérés du cœur à l'Infirmerie Royale de Bristol (UK) et l'enquête de l'Institut de Médecine (Washington DC, USA) : “  Health Professions Education : a bridge to quality  ”. Sa démarche consiste à souligner le caractère insuffisant des diplômes et des qualifications pour garantir de la compétence d'un professionnel de santé. L'exemple de ces médecins est spécialement apprécié, et applicable à toutes les professions de la santé, probablement au regard de la place centrale qu'occupe ces spécialités dans la hiérarchie des professions médicales. Il est souligné que la possibilité pour les médecins d'intervenir sur le corps humain est organisée en fonction du diplôme, et non en fonction de la compétence, “ le professionnel apprécie donc lui-même sa propre compétence ” (2). Les méthodes d'évaluation de la compétence professionnelle sont alors convoquées pour répondre au souci d'offrir au public les garanties qu'il attend. Le modèle de l'évaluation de la compétence professionnelle est alors incontournable.

L'exemple de l'Infirmerie Royale de Bristol est retenu “ pour des raisons pédagogiques ” (2). Cet exemple souligne que la compétence est évoquée eu égard aux patients car “ elle n'est pas négociable et il est choquant de penser que des professionnels puissent être incompétents ” (3). Qui peut contredire un argument qui se présente avec la force de l'évidence ?

Toute une éthique des bonnes intentions est ainsi déployée tout au long des 94 pages du rapport, et elle a pour résultat d'entretenir le flou sur des questions qui mériteraient d'être traitées. Par exemple, comment en effet ce modèle, l'évaluation de la compétence, peut à la fois traiter la qualité, servir de fondement pour la gestion des dépenses de santé, la gestion prévisionnelle des emplois et la régulation de la démographie professionnelle ? Ou encore, dans le même fil d'idée, comment le rapporteur de la mission qui fait un panorama des expériences de l'application du modèle à l'étranger peut-il ne pas se pencher sur les conséquences de cette application dans le champ qu'il retient ? Mais l'éthique des conséquences n'est pas son problème !

Il est parfaitement évident que le seul souci du rapport consiste à réformer le système de soins. Si personne ne peut contester la nécessité de gérer correctement ce système, le citoyen peut s'interroger sur le bien fonder d'un modèle qu'on entend appliquer à tous les professionnels de santé (du chirurgien au psy), dans toutes les situations possibles.

À partir d'un tel point de vue, la généralisation aveugle du modèle de l'évaluation est intellectuellement suspecte.

* Victor Rodriguez est psychologue freudien à Toulouse

(1) Rapport Matillon, “ Modalités et conditions d'évaluation des compétences professionnelles des métiers de la santé ”, août 2003, sur le site :
www.sante.gouv.fr/htm/actu/matillon/rapport_matillon.pdf

(2) Ibid, p.63.

(3) Ibid , p.14.

(4) Ibid, p.89.


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G

LE RAPPORT DE L'INSERM :
Sur les psychothérapies

26 Février 2004


par Vincent Lucas *

      Comme le disent ceux qui pratiquent de près l'Institut National de la Santé et de la Recherche Médicale : “ La psychiatrie française a été l'une des plus brillantes. Maintenant, l'évaluation se fait par rapport à un passage aux Etats-Unis. L'INSERM semble avoir complètement intégré l'idée que la bonne recherche est à l'étranger ”.

À l'initiative de la Direction Générale de la Santé, en 2001, une expertise collective concernant “ l' Évaluation des psychothérapies ” (1) s'est mise en place, dont l'Agence Nationale d'Acéditation et d'Evaluation en Santé (ANAES) pourra tirer “ des recommandations de bonne pratique ”. Elle procède par “ méta-analyse ”, analyse par des outils statistiques d'études internationales publiées sur le même sujet.

Comme il est logique, l'emprunt outre-Atlantique ne se limite pas à la méthodologie de l'évaluation, mais concerne bien la conception même de la vie psychique, pardon, de la “ santé mentale ”. La vie psychique n'est donc plus conçue comme régie par une logique propre. Il s'agit maintenant de traiter des “ troubles mentaux ” isolés (“ trouble anxieux ” par exemple), conçus sur le modèle de la pathologie médicale (l'anormalité) et conceptualisés par les neurosciences. Effet tautologique garanti : les Thérapies Comportementales (issues du conditionnement d'animaux) et Cognitives (issues de l'informatique et de la théorie de la communication attenante) sont très appréciées lorsqu'il s'agit de comparer l'efficacité des différentes thérapies brèves. Elles utilisent en effet les mêmes références et outils d'évaluation que l'expertise. Le problème des choix méthodologiques de ce travail est particulièrement aigu quand on sait qu'en France se pratique essentiellement des thérapies sans limitation de durée, comme la psychanalyse totalement absentes de l'étude.

L'INSERM ne les compare à aucun moment aux thérapies brèves, faute de se donner les outils méthodologiques adéquats. Son ? expertise ? servira pourtant, par le biais de l'ANAES, à décider du futur des psychothérapies. Nous sommes en présence d'une ? science ? sous influence !


* Vincent Lucas est psychologue freudien

(1) Non disponible sur Internet : un rapport de l'INSERM se demande à son Directeur Général.


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H

AUX PORTES DU MINISTÈRE

par Luc Garcia *


       Il s'agit d'un livre d'octobre 2001 (1) . L'auteur portait alors encore son nom de scène : “ Professeur Jean-François Mattei ”. Le titre déclarait l'ambition : “ Santé sociale, ces absurdités qui nous entourent ”. Pas encore Ministre de la Santé, le député des Bouches-du-Rhône disait alors à propos de la résolution de ces absurdités : “ il faudra certes quelques textes de loi, mais j'ai acquis la certitude que nous avons surtout besoin de volonté ”. Depuis, notre Ministre n'a pas résisté à l'écriture d'un projet de loi relatif à la santé publique discuté, en octobre 2003, à l'Assemblée Nationale, et, en janvier dernier, au Sénat, composé de 56 articles, dont l'un demande à ce que les associations de psychanalyse et de psychothérapie soient les valets des préfectures.

Dire que des absurdités nous entourent, revient, par exemple, à tenir la conversation autour de la pluie qui mouille ou encore à préciser que la Seine passe à Paris. Mais employer ceci pour la santé sociale rend la teneur des termes bien différente. Car, d'une part, à la santé s'associe l'idée de maladie, et, d'autre part, au social s'associe la perception individuelle que nous en faisons tous parti, que nous le composons en formant ainsi une vaste masse globalisante. Il y a donc l'individuel et le tous.

Tout au long de son ouvrage, M. Mattei va jouer sur cette alternance périlleuse, pour finalement faire de la “ Santé Sociale ” l'expression d'une maladie de “ tous ”. Son lieu d'inscription se situe dans la généralisation du risque. À ce “ tous ”, nécessairement abstrait, M. Mattei va donner un espace de définition à partir d'un critère identifiable et commun à chacun : celui de l'âge. Cette unité fictive, à la base au livre, se conjugue sous la forme d'une multitude d'étapes, et le “ tous ”  prendra alors une forme plus inquiétante encore.

Le premier chapitre s'ouvre sur un enfant mort-né, et le sixième et dernier chapitre se conclut sur la prise en charge des personnes âgées. Pour ces derniers, il note une contradiction : ? Comment penser à l'arrivée de la mort, la préparer, l'apprivoiser, tout en profitant encore de la vie ? La vieillesse est bien souvent une quête perpétuelle de petits plaisirs, de petites joies ?. Nous étions en 2001. Inutile de se rappeler que l'auteur, devenu ministre, et élégamment vêtu d'un polo bleu dans un décors alpin finement dosé par la caméra du journal télévisé, nous expliquait que la situation était sous contrôle, en pleine canicule d'août dernier. En cohérence parfaite, M. Mattei préconisait en 2001 d' ? encourager le maintient à domicile en aidant ceux qui aident ?. 15000 morts plus tard, le silence du ministre et l'incompétence de son cabinet, le manque de moyen de première urgence et les palabres interadministratifs, ne semblent pourtant pas annoncerle moindre texte de loi ou la moindre volonté ministérielle. Des absurdités, lisons-nous ? Toutes ne se valent pas, semble-t-il, pour un apprenti écrivain.

Alors, M.Mattei s'accroche à ce qu'il trouve. Et c'est ainsi que le professeur se déchaîne. Il jongle, il navigue, il parcourt avec délice les rapports ministériels et les pourcentages. Par exemple, les crèches rendent 17 % des enfants arrogants. Il suggère la création d'une structure mixte, de transition, par palier, chaque palier devant être adapté, en concertation. Avec qui ? Avec tout le monde. Un moyen pour cela ? Créer des conseils parentaux au sein des crèches, sortes de conglomérats réunissant des psychologues, des médecins, des infirmiers, des assistantes maternelles.

Ne pas oublier les familles.

De l'enfant mort-né au vieillard, le monde devient habité d'une multitude de risques qui donnent naissance à une multitude de commissions.

      A propos des thèmes de son livre, le professeur précise : ? Paradoxalement beaucoup de solutions ont déjà été évoquées. Pourtant la plupart de ces tranches de vie semblent rester en jachère ?. Il subsiste donc toujours un reste. Et dans sa quête de le réduire, adepte qu'il est des inférences causales les plus obscures, ce professeur finit par faire de la vie elle-même un problème. La conséquence ne se fait pas attendre, il décrit un monde irrespirable ? alliage malheureux d'un hygiénisme sans cesse affleurant, au sens de la propreté sociale du XIXéme siècle, combiné à un essentialisme préalable sans cesse invoqué à l'appui du risque généralisé. Sommes nous donc des êtres incapables, des chimères malfaisantes, pour le médecin qu'il n'est plus, tout absorbé à ses mandats électoraux ? Le député semble impossible à rassurer : ? Notre monde bouge. Rien n'est plus comme avant ?.

La lecture de l'ouvrage est pénible à la longue. M. Mattei est de cette espèce qui combine l'approximation scientiste du petit professeur avec l'ambition politique qui se nourrit, dans ce cadre, des difficultés de chacun. Par cette manière d'opérer, il construit lui-même ce monde de l'inquiétude dans lequel il vient se loger. Voilà, probablement en quoi il se dégage de cette chose un enfermement entretenu du premier mot à la dernière virgule.

* Luc Garcia est psychologue freudien

(1) Mattei, J.-F., Santé sociale : ces absurdités qui nous entourent , Éditions Anne Carrière, 2001, 124 pages.

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I

DÉCLARATION DES PSYCHOLOGUES FREUDIENS

www.psychologuesfreudiens.org


Après l'Amendement Accoyer, nous, psychologues freudiens, disons halte au managérialisme des rapports Matillon, Cléry-Melin, de l'Inserm, et autres… qui encadrent l'Amendement Mattei sur les psychothérapies et la réforme de l'hôpital Plan 2007.

Nous déclarons qu'il est de notre devoir d'alerter, d'informer, d'éclairer, tous les “ usagers ” des psys : enfants, adolescents, adultes, personnes âgées, des effets pervers du managérialisme conquérant qui conditionnent les applications de la loi du 4 mars 2002 (relative au droit des malades et à la qualité du système de santé) aux professionnels et aux “ usagers ” du système.

Un managérialisme, nouvel —isme, repris par de nombreux médias, dans notre vie de tous les jours et dans notre vie citoyenne, impose la culture du questionnaire d'évaluation à tous les professionnels du sanitaire, du médico-social, du social, du privé, et réserve aux psychologues l'honneur d'un questionnaire d'évaluation nommé RAMSES, qui est un pur et simple placage des méthodes de l'industrie.

Nous disons non, à tous les RAMSES (grilles d'évaluation des métiers sanitaires et sociaux) de l'ANAES (L'Agence nationale d'accréditation et d'évaluation en santé), halte au formatage de la société par l'ANAES et ses questionnaires.

Nous refusons :

Que le psychisme soit marchandisé selon une logique des coûts et profits propre au management.

Que la vie intime de celui qui souffre soit évaluée par des spécialistes du management des entreprises.

Que la liberté de choisir son psy soit bafouée par une administration managérialiste et aveugle.

Que la garantie du métier de psychologue, qui exerce la fonction psy en écoutant la parole souffrante, dépende d'une fiche-métier managée et standardisée.

Nous nous opposons dès maintenant :

À la pratique managériale qui prend le relais de l'ancien stakhanovisme.

Au transfert des compétences à des personnes non formées à notre métier.

Au profil-psychologue-prêt-à-l'emploi, à qui est interdit l'usage de la langue française, à qui est imposé un vocabulaire de logiciel paramétré.

•  Au tour d'illusionniste, sans précédent, qui consiste à faire croire que la construction de l'Europe implique l'abandon de notre clinique, de notre culture, de notre langue, pour tous nous fondre dans une globalisation insensée à la québécoise (dont le film “ Les invasions barbares ” donne un aperçu).

Seule, une administration irresponsable, qui se prendrait pour un super-ordinateur-à-penser-des-réformes, peut imaginer tout cela.

NON, la parole n'est pas un acte technique à évaluer. Notre combat est aussi le vôtre.

Vous pouvez envoyer vos signatures à : declaration@psychologuesfreudiens.org

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DECLARATION OF THE FREUDIAN PSYCHOLOGISTS www.psychologuesfreudiens.org


After the Accoyer Amendment, us, Freudian psychologists, say stopping place
in the management and managering of connections Matillon, Cléry-Melin,
Inserm, and other which frame the Mattei Amendment on the psychotherapies
and the reform of the hospital Plan 2007.

We declare that it is of our duty to alert, to inform, to light, all the
"users" of the Psy -children, teenagers, adults, old persons- of the
perverse effects of the conquering management and managering which condition
the applications of the law of March 4th, 2002 (relative to the right of the
patients and to the quality of the system of health) for the professionals
and for the "users" of the system.

A management, new -ism, resumed by numerous media, in our daily life and in
our life citizen, impose the culture of the list of questions of evaluation
to all the professionals of the sanitary facility, the medical social, the
social, the private, and reserve to the psychologists the "honor" of the
list of questions named RAMSES, which is a pure and simple veneer of the
methods of the industry.
We say No, in all the RAMSES (bars of evaluation of the sanitary and social
professions) by the ANAES (The national Agency of accreditation and
evaluation in health), stopping place in the formatting of the society by
the ANAES and its list of questions.

We refuse:

That the psyche is  goods according to a logic of the costs and the profits
appropriate for the management.
That the private life of the one who suffers is estimated by specialists of
the management of companies.
That the freedom to choose his and her Psy is scoffed by a managering and
blind administration.
That the guarantee of psychologist's profession officing by listening to the
suffering word, depends on an index card-profession managed and
standardized.

We oppose from now on:
In the manager practice which relieves the former stakhanovism. In the
transfer of the skills to persons not formed in our profession.
In the profil of psychologist-ready-to-the-employment, whom is forbidden the
custom of the French language, on whom is imposed a vocabulary of
parametrized software.
· In the to· In illusionist's tour, unprecedented, which consists in
persuading that the construction of Europe implies the abandonment of our
private hospital, our culture, our language, for all to melt us in an insane
globalization to the Quebecer (of which ape the film " The barbaric
invasions " gives an outline).

Only an irresponsible administration, which would take itself for a
high-octane gasoline - computer-in-thinking-of-reforms can imagine all this.
NO, the word is not a technical act to be estimated. Our fight is also
yours.

You can send your signatures in: declaration@psychologuesfreudiens.org


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J

QU'EST-CE QUE LA SARP ?

Une Société d'action et de recherche en psychiatrie

par

Dr Sophie Bialek *
Dr Jean-Daniel Matet *
Dr Pierre Sidon *

     Les instances syndicales et professionnelles de la psychiatrie ont montré leur division, voire leur aveuglement face aux mesures qui organisent son déclin. Nous ne laisserons pas les agents du marketing cognitivo-comportementaliste et des distributeurs de médicaments attaquer sans nuance les pratiques cliniques et thérapeutiques qui postulent une réalité psychique, comme le prétendent les rapports (CMKP-INSERM) et les amendements de ces derniers mois.

Depuis l'Appel aux psychiatres pour la psychanalyse lancé en novembre dernier sur fond de silence des instances syndicales et du comité de liaison des Etats Généraux, des psychiatres se mobilisent. Des réunions se sont tenues dans plusieurs régions de France, rassemblant des praticiens d'exercices différents (libéral, associatif, hospitalier). Les cinq réunions parisiennes du samedi matin ont permis d'en prendre la mesure, justifiant notre participation à la coordination-psy dont J.-A. Miller a eu l'initiative et dont il est le porte-parole. En s'élevant contre l'amendement Accoyer et ses avatars (Giraud, Mattei, Dubernard), contre le rapport Cléry-Melin, en médiatisant le débat que les tutelles voulaient garder dans l'ombre, la coordination a mis l'accent sur le sort commun réservé aux professionnels du champ-psy : une attaque frontale contre les pratiques de la parole qui reconnaissent l'apport majeur de la psychanalyse au profit de pratiques cognitivo-comportementales consubstantielles aux appareils d'évaluation et de quantification qui font l'horizon purement administratif et gestionnaire des sociétés dites modernes.

La coordination-psy a commencé à démontrer qu'il n'y avait rien d'inéluctable dans cette évolution, porteuse de catastrophes pour les sociétés humaines qui nieraient le malaise de la condition humaine et la folie qui lui est corollaire.

Les psychiatres sont les témoins privilégiés des effets de cette évolution délétère et nous avons décidé qu'il fallait cesser de se taire partout où elle se fait jour, non pas pour résister aux évolutions de la modernité, mais pour affirmer que celle-ci peut-être influencée par la volonté des citoyens.

Il n'est pas besoin d'une analyse très fine pour comprendre que la mort de la psychiatrie, celle qui prend ses racines dans l'histoire de l'Europe, est programmée à court terme. Le numerus clausus des études médicales et le nombre des postes d'internes pour les spécialités condamnent au terme d'une dizaine d'années la pratique psychiatrique, telle que nous l'avons développée depuis les années 1960-70 par un simple effet démographique. Les gestionnaires ont anticipé cette évolution, forçant le transfert des compétences et détruisant la pratique clinique du psychiatre par des protocoles simplistes, qu'ils entendent imposer par des “ référentiels de bonne pratique ”.

Dès-lors le “ pill pusher ” pourra se généraliser et n'aura que faire de distinguer la particularité du symptôme, son approche spécifique et la fonction qu'il est susceptible de jouer dans le rapport du sujet à la réalité qui le presse. Ainsi veut-on nous faire accéder au monde de l'évaluation généralisée pour nous faire admettre une standardisation des réponses aux demandes qui nous sont faites, toutes singulières. La pratique psychiatrique ne peut se déterminer sur l'opinion moyenne et il a fallu la pertinence d'hommes éclairés pour imposer l'idée du soin spécifique aux malades mentaux en 1838. L'opinion moyenne, au mieux nie la folie dont elle craint les effets, au pire veut imposer la ségrégation maximale au moindre coût (cf. dernier référendum suisse sur l'enfermement à vie des délinquants sexuels).

Nous ne laisserons pas faire cela ! Les échanges d'idées, le recueil d'informations convergentes sur le processus en cours, les propositions de travail ont commencé à fleurir sur le forum des psychiatres (http://www.forumdespsychiatres.org). L'interpellation systématique des représentants de la profession dans différentes associations n'est pas sans effets, mais ce n'est qu'un début et nous devons nous organiser pour mieux faire connaître notre combat et lui donner plus de force.

Nous vous proposons de rejoindre l'association créée aujourd'hui, la S.A.R.P., Société d'Action et de Recherche en Psychiatrie, qui a déjà sa newsletter (Qui l'ouvre !), son forum bientôt rejoint par un site plus lisible. Faites remonter les informations en vous adressant à Sophie Bialek, Pierre Sidon (psi.p@noos.fr) ou Jean-Daniel Matet (matet@wanadoo.fr), recueillez des adhésions en notant les coordonnées exactes de ceux qui veulent participer à cette bataille (nom, prénom, adresse postale, téléphone, fax, e-mail, lieux de travail).

Voici les objectifs que nous proposons de défendre dans les prochains mois :


I- Pour le maintien des conditions d'une psychiatrie clinique, contre l'évaluation généralisée

Libre choix du psychiatre, du psychothérapeute, du psychanalyste

Annulation des RPC (Recommandations pour la pratique clinique) sur le TAG (Trouble anxieux généralisé) et l'EDIA (Episode dépressif isolé de l'adulte en ambulatoire) (cf. l'analyse de la partialité de ces RCP par Bialek et Sidon)

Refus des évaluations individuelles des praticiens

Baisse du taux de remboursement des antidépresseurs hors ALD 30 (liste des affections de longue durée reconnue par la CPAM) comme ailleurs en Europe.

Non à la circulation des données médicales confidentielles sur les réseaux informatiques (Carte Vitale 2 - Sortie de l'engrenage du codage par la CIM10 partout où elle se pratique : sous couvert de mesure de l'activité, ce codage est non seulement réducteur, il est foncièrement erroné. Il réalise une transgression, le regard indu de l'administration sur l'activité clinique, qui se passe de la vraie compétence clinique et fraye le passage pour les futurs outils (PMSI ou T2A) de réduction comptable des moyens de la psychiatrie.

II- Pour la défense de la psychiatrie de secteur

Rétablissement d'un internat en psychiatrie et d'une formation spécifique des infirmiers en psychiatrie

Maintien des structures sectorielles implantées sur les secteurs (plutôt des structures spécifiques type CAC que le passage obligé par les SAU).

Arrêt de la fermeture des lits de psychiatrie publique et réouverture éventuelle.

Sectorisation des services de psychiatrie hospitalo-universitaires de l'AP-HP.

III- Arrêt du transfert de la psychiatrie au secteur social

Non à la psychiatrisation des enfants dans les réseaux médicaux (telle que préconisée par le rapport INSERM 2003) à travers la prescription généralisée de Ritaline, l'AMM donnée au Zoloft pour les TOC des enfants, les troubles du langage confiés uniquement aux médecins.

Non à la psychiatrisation des enfants dans les écoles, les collèges et les lycées par la transformation des personnels pédagogiques en auxiliaires de la santé mentale.

IV- Nous nous opposerons aux organisations qui se disent représentatives de la profession et qui collaborent au démantèlement de la psychiatrie

Rejoignez-nous en envoyant votre demande d'adhésion à l'association à :
SARP, 9, rue Duguay-Trouin, 75006 Paris.

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J'adhère aux objectifs de l'association, tels qu'ils sont exposés ci-dessus et souhaite participer à défendre la possibilité d'une clinique psychiatrique et des moyens de traitement par la parole. Ne pas oublier de joindre : nom, prénom, adresse, tél., email, lieu de travail, fonction.

Je verse un Cpsy (34,30 €) de cotisations pour l'année 2004 à l'ordre de SARP, 9 rue Duguay-Trouin, 75006 Paris.

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* Sophie Bialek, Jean-Daniel Matet et Pierre Sidon sont psychiatres et psychanalystes



Rappel du sommaire

A- L'Amendement Acoyer

B- “ Plan d'actions ” Cléry-Melin
    par Vincent Lucas

C- Le manifeste Psy
     rédigé par JAM

D- Appel du 2 décembre ; pour la psychanalyse
     par Judith Lacan et Jacques-Alain Miller

E- La mission de monsieur Auguste (1998) ; appliquer le TQM
    par Luc Garcia

F- Le rapport Matillon : l'évaluation des compétences
    par Victor Rodriguez

G- Le rapport de l'INSERM : Sur les psychothérapies
     par Vincent Lucas

H- Aux portes du Ministère
  
  par Luc Garcia

I- Déclaration des psychologues freudiens

J- Qu'est-ce que la SARP ?
    Une société d'action et de recherche en psychiatrie
    par Dr Sophie Bialek, Dr Jean-Daniel Matet, Dr Pierre Sidon.

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* Référence html de Résistances, Au coeur de la tourmente : Tout pour les psys !
Editorialiste thématique, Yasmine Grasser
www.criticalsecret.com/n14 - été indien 2004

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