« L'inconscient à l'épreuve du scolaire »

   présentatin par l'auteur

   Ce livre est issu de l'histoire de rencontres : celle de Jean Bergès d'abord, dont l'enseignement et la pensée m'accompagnent depuis que j'exerce le métier de psychologue dans les écoles. Rencontre des enfants et de leurs familles, rencontre des enseignants...

Je ne cesse de m'étonner de la place considérable qu'occupe l'école dans la société. Qu'elle soit décriée n'enlève rien à son impact. L'école est un lieu de souffrance(s), de douleur(s), de violence(s), de menace(s), ce peut-être aussi un lieu de plaisir et d'épanouissement. C'est en tout cas l'une des rares institutions à laquelle quasiment personne n'échappe. Penser le scolaire à partir des effets de l'inconscient constitue le pari audacieux que j'ai voulu soutenir dans ce livre. Il ne s'agit pas d'introduire la psychanalyse à l'école, mais d'accepter que le savoir inconscient agisse parfois au sein de l'école. La rencontre avec les enjeux propres à la psychiatrie se fait souvent de manière indirecte, mais l'école n'est pas à l'abri de l'émergence ou de l'expression de troubles mentaux parfois graves. Comment permettre, par exemple à des parents en grande difficulté psychique, de conserver une position parentale "aidante" pour l'enfant, alors que par exemple la notion d'enfant en danger peut se profiler et devoir être examinée (je ne parle pas bien sur des cas de maltraitance avérée, pour lesquels l'arsenal juridique est opérationnel) au sein de l'école, alors que sa mission est toute autre... Tels seraient quelques prolongements possibles de la réfléxion menée dans ce livre.

Avec une mission pourtant délimitée, l'école constitue aussi un formidable catalyseur de relations humaines. Au centre de cette entreprise, il y a l'enfant, autour de qui gravitent nombre d'adultes patentés à des titres divers et en première ligne, les parents d'abord mis à contribution du simple fait d'être des "parents d'élèves". Qu'est-ce qui, au delà du maitre et de l'élève, interfère dans la transmission censée s'opérer au sein de l'école ? En quoi la constitution d'une classe dite "spéciale" fournit-elle un éclairage particulier à la fonction normative opérée par l'école ? Quels effets soulageants pourraient être concevables à partir d'une "pratique de discours" au sens où de ce qui s'énonce, l'hypothèse de lecture(s) et d'écriture(s) inédite(s) pourrait être envisagée. Créer par exemple des dispositifs permettant que l'inquiétude ou le malaise enseignant puissent être entendus au sein de l'institution scolaire, peut-il être considéré comme au service des élèves ou n'est-ce rien d'autre qu'une psychologisation outrancière (une de plus sur le marché) ? Que nous enseigne l'adolescent lorsqu'il se cambre pour dire son fait à celui qui occupe la place dite adulte ? Qu'est-ce qui se trame chez ceux qui sont en mal d'apprendre ? Comment le champ politique est-il partie prenante des conditions de l'enseignement dispensé à l'école ? Qu'est-ce qui fait fonction de symptome à l'école, quelle place accorder à la théorie sexuelle infantile, dont chacun d'entre nous se constitue ? Telles sont quelques unes des questions au travers desquelles le lecteur est invité à naviguer. C'est l'hypothèse d'une clinique institutionnelle traversée par la logique de l'inconscient qui sous-tend le propos de cet ouvrage.

Daniel Charlemaine

L'inconscient à l'épreuve du scolaire,
coll. "Psychanalyse et clinique", Erès 2002, Paris.