19. LES TROIS TUEURS

Le premier tueur habite à deux pas de chez toi.
Le premier tueur est derrière la seconde porte du hall, face à l'ascenseur.

Le premier tueur a volé le nom de sa première victime il y a déjà très longtemps \\ Poussière sur les @rchives neuroniques compilées vite fait pendant que s'enrageait le feu sur les livres quelque part Ici et Maintenant. Littérature angélique brûlée, fragments épars gardés au pied de l'Arbre, feuilles mortes, automne maintenant, puis l'hiver. Toujours beau là-haut, toujours vert glorieux palpitant vibratoire interne mangeoire de paradisiers, Mission dispersée : regardez-les courbés sur la cendre et le papier d'agonie… \\ Tu n'étais pas encore né dans l'imagination des hommes-oiseaux.

Le premier tueur était là bien avant toi. C'est lui que tu croises cinq fois par mois dans l'escalier et c'est à lui que tu dis " Bonjour ", à contrecœur, il est vrai. Tu n'as jamais senti ce mec. " Bonjour " Tu devines comme le reflet d'un visage " Bonjour " qui n'est jamais tout à fait le même et tu en es si atrocement touché jusqu'au cœur du dire vrai que tu n'as plus d'autre choix que l'oubli \\ Regardez-les chercher, pleurer leur reflet, confondre reflet avec moitié, tout plein de vide, tonneau des Danaïdes rempli de larmes, reflets sur l'eau de larmes, 49 Danaïdes Célestes un sexe dans chaque main - clou-phallus à gauche, vagin-stigmate ouvert à droite - applaudissent masculin/féminin pour les deux genres humains \\ l'oubli de sécurité et la cécité et une sorte de politesse glacée. Le premier tueur fume des mentholées. Les gamins l'appellent " le Pédé " mais l'idée de lui parler les rend muets, les submerge de panique.
Le premier tueur est venu par la tombe.

Si tu reconnaissais le dernier masque - sa propriétaire au visage arraché est enterrée un matin opiacé de janvier, dégueulis dignement déglutis dans l'église, près des autres, d'une fausse famille, et du père et du fils et du mari - tu en saurais davantage que le boucher impérial… la raison pour laquelle le Mal doit tuer : il doit tuer afin d'obtenir un passeport, une carte d'identité ; et se dérober pour tuer.

Le deuxième tueur a 18 ans et se prend pour sa petite amie. Il est normal.

Playstation. Ses parents sont morts depuis 18 ans. Et peut-être plus.

Dans son monde de poussière, le sang est impérieusement requis. Les murs de sa chambre… c'est tout ce qu'il reste du Temple de la Tique d'Eden. Et c'est intolérablement trop.

Le troisième tueur. Le troisième tueur est charmeur de vérités-serpents, effroyables sur la tête de sa sœur la reine rivale en beauté aux yeux de la Sagesse. Le troisième tueur se glisse à l'intérieur de leurs veines, lesquelles éclatent sous la pression d'une vie venimeuse. Le troisième tueur est celui du début éternel. - Il a pour seul adversaire le Renverseur d'étoiles naufrageuses, allié des bêtes parlantes : notre pain à nous, téléspectateurs de M.T.V. [Maman Te Viole], la chaîne préférée de la présence moderne, la gagnante des gagnantes du Tréfonds ! Et moi, Mister Ixis, le silure qui vous rend toutes folles, j'ai l'immense bonheur d'accueillir dans cette émission celui qui tue en recrachant la vérité, après l'avoir bien mastiquée, bite, anus, clito, nibards et tout et tout : le mystérieux troisième tueur ! Bonjour, bonjour, prenez place, c'est un plaisir (et aussi une intense émotion) de vous recevoir. Que nous avez-vous réservé très cher tueur ?

-- Les dernières pensées disponibles de Florence Bergamme. Dimanche 21 décembre 1997, 23 h 16, heure-Résidence : " La mère présume qu'au fond de son lit, bercée de lavande et d'argent lunaire, sa fille dort. On ne saurait l'infirmer. Il se peut que précisément grâce lui est faite, et qu'elle dort, qu'elle dort… Sans quoi jamais je n'aurais pu nous parler, sinon clairement, aussi définitivement -- qu'on n'ait plus à revenir là-dessus, une fois pour toutes, que ce soit tout rectifié, corrigé, que ce soit bien, bien compris, une fois pour toutes : Je n'ai véritablement jamais connu d'autre amour que celui que m'inspira Cyril. Je l'ai aidé, du mieux que j'ai pu, j'ai encouragé son désir, d'abord l'écriture, je croyais en lui, j'ai cru pour deux, l'écriture, j'ai fermé les yeux, prié pour son évasion sachant qu'il nous oubliait sur des lèvres étrangères

CELUI-LA PLUS PROCHE QUE L'OMBRE DU PECHEUR SOUS LAQUELLE TU TROUVAS LE REPOS

REMERCIE-LE

REMERCIE JUSQU'À L'OMBRE DE CE QUI FUT

CELUI D'AVANT LE RECUEILLEMENT

TROUVA UN HAVRE EN TOI QUI TROUVA UN HAVRE

ET VOS AILES SI NEUVES

VOUS NE SURENT QU'EN FAIRE

VOUS BALAYERENT LE SEUIL DU PASSE

VOUS N'EN LAISSERENT QUE L'OS

POUR CES ENFANTS QUE VOUS N'EURENT PAS

IL Y EUT CELUI-LA POUR CEUX-LA AUSSI

CAR MÊME CE QUI AURAIT PU SERA

LES RÊVES GARNISSANT LA CHAMBRE DE VOS TÊTES LES RÊVES OU VOUS PERIRENT A LA FACE D'AZUR SERONT SAUVES DU COUPLE CELIBATAIRE "


-- Bravo !! Quelle merveilleuse surprise ! De qui est cette tambouille turpide et délicieuse ?

-- Exercice de style d'un plumitif loser : Jean-Pierre Daljezaïr.

-- Bravoooooo !!! Il est foutu !

-- Laisse-moi continuer boudin ou je t'coupe avec ma lame. "…toujours il revenait, les heures prises sur une éternité d'attente me tenaient par le cœur d'un Oui sacré, et Oui au départ qui devait me le rendre, bien qu'il ne fût mien, mais ce cœur prêté comment nous fait-il souffrir ? Alors, Sedan… Je regrette, je regrette d'avoir embelli son demi-sommeil ; car c'est bien de cela, de cet engourdissement voluptueux de l'âme, cet avachissement exquis de l'intelligence, qu'il s'agit ? De faiblesse. J'aurais du me montrer ferme, quitte à lui faire très mal d'un coup d'un seul, et l'opérer des illusions. Nous aurions pu devenir amis. Pour moi il resta un ami ; au cours d'un été, un ami intime… démesurément plus… oh ! je ne suis pas fameuse pour ça. Comme il est finasseur et respectueux il sut se faire discret. Certainement y trouva-t-il quelques louches compensations sentimentales. Certainement clame-t-il son amour pour Florence Bergamme, humble bergère, ombre passagère, de chair et surtout d'os, de quelque habile manière dedans son livre. Moi je pousse des cris de silence. " ==> Alliance de mots, minable lopette lécheuse de culs aux ministères de la Communication et de la Supervision technologique.

-- Merci infiniment ! Merci !


L'Investigation : chapitre dernier. Encore cinq jours. Sedan regardait fourmiller les signes. Chaque ligne évoquait une file d'attente ; les caractères se pressaient, se bousculaient, collés les uns aux autres, précipités par la tournure des événements. Un putsch ? Ils ne demandaient qu'à être rapatriés. Mais où ? La destination finale est ici, quelque part. Les deux aiguilles de l'horloge au garde à vous. On frappait, frappait à la porte. " Salut ! " " Salut. " Richard inclina la tête, de même qu'un Puck qui ne comprend pas. D'un bond il franchit le seuil. Adossé au mur il ouvrait de grands yeux éberlués. Une accalmie très spéciale l'autorisa, comme jamais depuis la mort de son père, à déchiffrer Sedan. Et ce dernier, d'où il fût, ne s'opposait pas au verdict d'un cœur entier… du moins pas trop amoché… " T'as la mouille d'une effroyable créature de l'au-delà… Whooo ! ma parole t'es gore… " " Ca doit être vrai ", admit Sedan, gagné d'une sorte de fièvre, en rapport hypothétique avec l'amour propre ou l'honneur ou un énervement du même gang, non point une énième banale poussée d'hyperthermie. Arrivés dans la Salle à manger, tous deux entreprirent méticuleusement de faire huit cadavres à partir du pack qu'avait apporté l'orphelin. " Ivan m'a entubé. Cinquante keuss. Devait me contacter hier à minuit. " " C'est quoi minuit au fait : hier, aujourd'hui… ? " " C'est l'heure du crime. Le fils de sa sœur, le shampouineur de burnes, triste tarlouze, nain rhétoricien, pestilence ambulante, déjection de cadavre… je suis prêt à lui remettre les pendules à l'heure. " " Va pachave, t'y verras plus clair. " Pointant des mentons vengeurs et frémissants au plafond tout en tétant un goulot sans espoir, Sedan délibéra, irasciblement lucide de l'inanité de son geste répété, vu que l'ultime canette, depuis longtemps achevée, ne renfermait plus la moindre goutte ; et il avait beau la positionner d'aplomb, ainsi qu'un entonnoir farfelu, en pure perte il activait sa glotte. Les vis-à-vis ne se lâchaient pas du regard, la nuit déployait ses voiles, l'homme d'en face allait une nouvelle fois embarquer ; Richard le regardait : il eut la vision d'un homme sur un rocher, cet homme prenait toujours le même bateau, ce bateau tournait autour du rocher désert, tournait toujours en circonvolutions aveugles -- à l'exception du prisonnier de l'île il n'y avait personne à bord --, tournait du crépuscule du soir à celui du matin, et c'était l'heure de débarquer sur une terre qu'il brûlait de découvrir peuplée ; or c'était toujours le beffroi désolé auquel l'homme rêvait d'échapper, et déjà le bateau disparaissait… Drôle d'idée, il m'en arrive rarement des comme ça. Sedan aurait pu lui enseigner, ricaneur à point, que l'usure du comique de répétition transmue un spectacle, l'empreignant d'affliction piteuse - un cran au-dessus : une gestuelle d'automate plaquée chez un être humain (rire cinq secondes toutes les dix secondes, regarder sa montre toutes les vingt secondes…) t'inspirerait l'angoisse, garçon, et tu donnerais tes précieux bijoux de famille pour un peu d'irrégularité. ( Une pincée de chaos par pitié, ils sont tellement organisés ! tout est si planifié ! L'ordre règne en enfer. Ouais, j'ai comme l'impression que c'est un bel asile d'aliénés… Mais qu'est-ce que je branle avec cette bouteille ?? ) Claang ! " Plus rien à tirer de celle-là. Tu disais ? Que j'pique un roupillon ? " " Des fois, les choses, sous un autre angle… Un truc m'échappe… " " Vas-y. " Richard savait tenir sa langue. Il savait également s'alléger des mots. " Tu te souviens comment mon père appelait Ivan ? le serpent à sornettes. Pouvait pas trop sacquer son soi-disant copain dealer. Cyril pétait les plombs rien qu'à entendre le nom de Johann. Sauf que Johann a une autre classe. Je sais de quoi je parle, j'ai bien calculé la paire d'embrouilleurs. Ivan a jamais rien foutu d'autre que se défoncer ou tripoter des potards. Et mal encore. C'est un troisième couteau. Un bavard " -- ( Aussi assommant que moi sous speed décréta Sedan.) -- " qui n'a jamais rien fait de ce qu'il disait. Comme les trois-quarts du Lisboa. " " J'abonde dans ton sens. " " Des tas de projets. Projets de comptoir…Tu connais ma copine… " " Fauvette ? Ouais " (Plus de bière, va falloir que je sorte… Tant pis, je tape dans les alcools forts.) " pourquoi ? " " Elle travaille sous la direction d'un maître verrier, elle fait des trucs monstrueux en céramique… " " Je l'aime bien la Fauvette. " " …et elle en fait pas tout un plat. " Ils se mirent à rigoler. " Ce que je veux dire, c'est que tu t'es niqué tout seul. " " Ah ce que vous êtes impitoyables vous les jeunes. " " Parce que tu savais parfaitement à qui t'avais à faire : une sous-racaille baratineuse qui veut sauver son cul après avoir balancé une liste de mecs qui tiendrait pas dans la Sainte Bible. Tu parles que Johann va passer l'éponge!… Avec qui est parti Cyril ? Avec quelle poudre s'est fixé Toine ? " (La poudre d'escampette, ne put se retenir de répondre intérieurement Sedan) " celle qu'Ivan lui a dealé. Tu me diras, ce pauvre Toine a fait qu'une boulette de plus. " Le visage de Sedan s'était subitement figé. Son regard se chargea d'une déplaisante lueur, son silence d'un inquiétant mutisme. " Bref, laisse pisser ", s'empressa de conclure Richard. " Aggrave pas. La situation est déjà assez pourrie. Je capte pas toujours ton fonctionnement. Je comprenais pas non plus toujours celui de Noël. En tout cas vous êtes pas des crapules. J'sais pas si y a une justice… " " Y a ! " certifia le zombie comme s'il avait craché du vitriol. " Alors laisse tourner la roue et te prend plus le chireau avec cette histoire. " Propulsé dans l'âge de raison, encore plus pratique et mesuré que ses potes de la génération Mitterrand (ceux des 51,8 % obtenus par le vizir socialiste), Richard savait que le sourd est incapable de suivre les bons conseils. Estimant qu'il avait accompli son devoir, il prêta main forte à Sedan qui débarrassait la table. Ils se donnèrent l'accolade sur le pas de la porte. " Tu fais quoi pour le réveillon ? " " J'investigue. " " Ah… Si t'as besoin de quelque chose… " " D'accord. Merci. " Pendant qu'il détachait son vélo Richard entendait encore Ivan lui enseigner le moyen de venir à bout d'un antivol : " T'injectes du gaz pour briquet dans la serrure. Ca la rend cassante comme du verre. Cogne dessus : le spade est pour toi. " A l'instant qu'il eût vu l'orphelin au spade chourré tourner à l'angle du Square, juste au pied de l'Eglise, Sedan se rua dans la Maison. Puck s'était tenu tranquille, sagement posté au meilleur coin du Grand Salon, glapissant en sourdine de temps à autre, bougeant une oreille dès qu'un haut-animal se rendait aux toilettes du Premier Etage pour évacuer sa bière ; sans préambule il se campa sur ses quatre pattes, attentif aux déplacements et aux troubles messes basses du gardien des clefs, manifestement obsédé par l'aggravation d'un état " répréhensible, répréhensible mais qu'y puis-je ? sous forme liquide et commercialisée, l'expédient est ici… (vieille fille revêche d'horloge anglaise, pendule rogue et dôme ironiquement orné de planètes !) c'est l'Heure de Vérité : il est temps d'agir. " Les bouteilles se cognaient aux bouteilles ; angoissé par les niveaux Sedan faisait un boucan de tous les diables. " Ce bourbon devait être fameux… Aux époques reculées où il en restait. Puck ne m'espionne pas ! Cette bouteille d'arack… ? " Vite expédiée. Le téléphone s'entêtait à se taire. J'irai trouver mon bonheur dans la Cave (une pelle) et j'irai creuser dans le Jardin un trou aux dimensions requises : Ivan sera bien, là, contre la haie de thuyas ; voyons… longueur 2m, profondeur 1m 50. Je débranche l'halogène… Je la monte dans la Cuisine… En dépit de précautions outrées -- pas de lampée finale, rien ne subsistait au fond des bouteilles -- l'halogène dégringola cet escalier inimaginablement contracté. Plus on monte, plus l'escarpement oblige à se surveiller. La Chambre se mérite. Que dire du Grenier… Adieu lumière, adieu je meurs, adieu la Terre, adieu mon père ! Sous le néon désormais L'Investigation ! et devant le Miroir ! Je pourrai y établir mon camp, et plume en main taquiner la Chimère, partir à l'assaut des moulins à vent ; hélas mes amis, ces " moulins à vent " sont horriblement dotés de faux. Elles tournent. Tournent… Les créatures.


Ivan ouvrirait et lui rendrait son dû. Des milliers de minutes de retard : il n'en tolérerait pas une de plus. Dorénavant chaque minute supplémentaire l'enfonçait dans un bloc de haine avec la violence d'un marteau qu'un bras levait toujours plus haut. Il avait finalement récupéré la dope égarée. Il égarait beaucoup de choses. " Si mes neurones avaient des pattes ils se feraient la malle ", avait-il déclaré à Jonas lors de cette fête du départ qu'organisèrent Lionel et Ghislain. " Le Front de Libération des Neuropatries s'est replié dans une gliale glaisière de ton cerveau qu'il excave sans relâche et oppose une résistance maniaque mais honorable aux envahisseurs allopathiques. A moins que de farouches neuropatriotes n'aient opté pour la guérilla et pris le maquis de ta labile psyché ; leurs groupuscules en perpétuel déplacement afin d'échapper au pilonnage de la Subintrante Sapience ", conjectura Jonas. " Tu joues à… merde ! comment elle s'appelle… " " Delphine. " Il oubliait son stylo, son portefeuille, ses cahiers, ses adresses, ses disquettes. Il oubliait des dates, des noms, des visages, des jours, des nuages, des serments, des caresses, des odeurs boisées de crayon taillé, de pupitre d'écolier, des enivrements de pluies tièdes sur le tapis des foins et la marelle des campagnes ; il oubliait des battements de cœur inexpliqués à l'écoute des vagues un matin de silence, les aquarelles intérieures que formaient les chagrins et la joie, l'espoir sans lendemain de se lever orphelin, l'effroi de s'éveiller seul. Il égarait son pense-bête, son manuscrit… mais remettait toujours la main dessus. Au milieu d'une phrase il oubliait la phrase, au milieu d'une pensée il oubliait sa pensée. Il reprenait bien possession d'un mot par-ci par-là, mais s'irritait d'une formulation rafistolée. " Qu'est-ce que je voulais dire ? Je pensais à quoi, à qui précisément ? " Par sécurité il s'employait à recopier ses papiers. Son agenda était en quatre exemplaires. Copies de copies de copies… Il s'égarait. C'est en recherchant le livre -- mais que faisait-il dans le bac à légumes ? -- prêté par le Prof, qu'il retrouva, collée page 175, l'enveloppe contenant la bolivienne. Rapidement et entièrement sniffée. Il prenait soin des clefs de la Maison : il pouvait perdre son VTT, aller se plaindre encore une fois au commissariat, mais il ne pouvait perdre la clef du cadenas. Pour la simple raison qu'elle était amarrée au trousseau qu'il portait constamment à la ceinture. Exclu, donc, que Sedan perdit les clefs de la Maison Bergamme sans déambuler en slip. " Déchet mal recyclé ! Ouvre ! " L'effet de la coke s'atténuant il prit conscience que si l'autre salope lui ouvrait de suite et qu'il lui refusait un honnête remboursement… autrement dit, en cas de collision il ne serait pas le pot de fer. Toujours fébrile, et nettement moins assuré, il retourna sur ses pas, ciselant de superbes insultes châtiées. " Même le forceps était rouillé lorsque le pandoréen toubib atteint d'idiotie spastique amaurotique axonale à transmission récessive autosomique, après t'avoir décelé au cours d'une rectostomie, t'extirpa pour notre titanique infortune, de la tuméfaction œdémateuse intestinale de ta génitrice honnie. " Sur son passage, un quidam, se méprenant, crut qu'il cherchait une adresse. " Quelle rue avez-vous dit ? " Sedan lâcha du lest : " La rue Barbe… " " Plaît-il ? " " La rue Béole. " L'autre bomba comiquement le torse dans une sorte de réflexe, et crachotant de petits " Rendez service… j'vous jure !… " lui tourna le dos. "


Entrez professeur, vous êtes gelé. " " Pas encore mon ami, pas encore. " Il entra. Puck lui lécha les mains. " Brave chien, brave chien ", dit-il en dénouant son écharpe cachemire. Sedan l'aida à retirer un épais manteau qu'il suspendit à un cintre dans la penderie du Vestibule. " Je vous offre quelque chose ? Chocolat, thé, liqu… non, plus de liqueur… " Le Prof accepta un thé. Il ne semblait pas remarquer les changements intervenus chez Sedan. Il se bornait à sourire. " Voulez-vous prendre le thé au Salon ou " " Je le prendrais volontiers au Deuxième, si cela ne vous dérange pas. Un léger désordre règne ici ", fit-il d'un ton enjoué. (Cet homme est venu pour une raison… Laquelle ? tailler le bout de gras ? vérifier que la baignoire déborde pas ? récupérer son bouquin ?) " Évidemment non, professeur. Vous aim… aimez la Cuisine vous aussi ? Je veux dire : la pièce… " " J'avais bien compris. " " Ce… c'est le lieu idéal pour établir son camp de base. " " Ou une base avancée ? " " Euh… " " Un camp de base… je veux bien vous croire. " Les marches protestaient sous leurs pas. " Que cet escalier est raide ", haleta le Prof, " c'est curieux. Ooh, je suis un vieux barbon, une ruine. " " Ne faites pas votre farzeur… euh, farceur. Le cabotinage ne vous sied pas. " " Hé, hé, je suis un comédien raté. Voici, enfin, la Cuisine. Néon, néon sauvage… Tiens, auriez-vous oublié d'éteindre la télé en haut ? " " C'est vrai, je… " " Sans importance. Je regarde rarement cet engin. Et vous ? " Sedan évalua son interlocuteur : ne lui mentir qu'en cas de force majeure. " Je moisis devant professeur. Une vraie dr… drogue. " " A ce sujet, qu'en est-il ? Pour Florence j'entends. " " A quoi bon répondre à cette question… " " Vous avez raison. Pourvu qu'elle s'en sorte. " De l'eau, frémissante, selon les règles, fut versée dans la théière. Cependant qu'infusait le thé, grossissaient le silence et une lune de solstice aux contours nets et tranchants. Le soleil est loin, brasillant face cachée de la lune, au fond d'un cratère, à l'attention d'un public de furoles. Leur astre à elles. Notre astre à nous, le soleil soûl de l'autre côté, luminaire des feux follets, ver luisant pour papillons du néon. Lune : grand néon, point du i de l'enseigne céleste, ronde d'avoir été roulée, énorme grain sable pour nous ; lune grain de sable sur la plage d'illusions, lune grain de sablier, lune commis voyageur des forains de l'empyrée ; lune hôtesse solaire, lune maison de retraite du phare des troupeaux de loups, lune… lune, Jocaste des Phaétons. " Ca ne vous gêne pas si je fume la pipe ? " " Absolument pas voyons. " Tout dépendait, en quelque sorte, de l'homme qui tournait paisiblement le dos au Miroir. Ayant reposé sa pipe, il tenait fermement sa tasse brûlante et soufflait, lèvres à peine déliées, sur le breuvage. Un envoyé… messager ou sentinelle, on le saura bientôt estima Sedan. Bientôt. " Voulez-vous que je vous rende le livre que vous m'avez prêté concernant les villas siciliennes ? " " Pas du tout, je viens vous aider. " " Comment ? M'aider à quoi ?… " " Nous avons eu de longs entretiens, et fort instructifs vous vous souvenez ? Ils tournaient, si je puis dire, autour des maisons ; essentiellement la Maison Bergamme. Je vous reconnais le mérite d'avoir glané une multitude de renseignements de toute première importance : les témoignages de ceux qui eurent commerce avec Sylvain Rabeau, des inculpés du tribunal ecclésiastique aux courtisans. Vous avez compulsé les archives de la ville, épluché la volumineuse correspondance des aïeux, et méthodiquement examiné Rabeau à la lueur des ouvrages les plus divers, auxquels vous avez accédé soit en explorant des rayonnages délaissés, soit par mon entremise. " La visite se justifiait. Les réminiscences se précisaient . " Absolument. Vous m'avez fait partager votre conviction… " Le Prof avait rajeuni : ses yeux brillaient ; la lune osait à peine l'effleurer ; il souriait doucement, patiemment. " …votre conviction ", poursuivit Sedan, surpris de ne plus chanceler sur les mots, " qu'il fut initié aux pratiques de la magie inférieure destinée à contraindre les esprits infernaux. Après qu'il ait eu recours à l'envoûtement, la voyance, les pentacles, pendant qu'il vivait à Paris et à Versailles. " " Je n'en démordrai pas, Rabeau débuta par les mathématiques baroques… Je vous rappelle qu'il consacra son art entier à ce dessein : faire de la Maison Bergamme une perfection d'engloutissement. Il maîtrisait les jeux d'ombre et de lumière, les combinaisons de l'éclat et du vide -- lesquels lui ont servi d'auxiliaires dans la quête du déséquilibre entre les infinis. Une attraction, Place Le Tellier, m'a singulièrement impressionné. Savez-vous en quoi ? " " Je crois savoir… " " Vous croyez croire ", plaisanta le visiteur. " Je vais vous le dire : sa circulation par escaliers m'a évoqué l'escalier du Château de Pommersfelden. " " Le Néant… " Le Prof hochant simplement la tête, tira une longue bouffée. " Ses deux volées montaient à une porte qui aurait pu s'ouvrir sur la grande salle où vaguait Max-Emmanuel de Bavière. " " Humm… Professeur, je vous invite à me suivre dans la chambre au coffret d'argent ciselé. " " Volontiers. " Une armée en déroute devait être passée par le lit. Les étoffes pendaient plus tristement que les hardes ternies d'un pendu. L'ombre s'était déposée en toutes places comme une poussière volcanique. On pénétrait là au royaume des empreintes d'une vie antérieure et des œuvres de cendre. L'envers de l'éternité, non pas l'instant gorgé de devenirs, l'océan fécond de vagues, le champ des possibles, mais l'avortement des mondes, l'emprisonnement de l'eau dans les gouttes, l'apparence façonnée par l'absence ; un couvercle de nuit, de peur et d'ennui s'opposait aux germinations, aux promesses même des charognes : Résidence.


La nuit -- seule pour tous -- lui donna de ses nouvelles : châteaux, entrepôts, galetas… ce n'était que lui ; et ces milliards de nuits : bêtes d'apocalypse, oiseau amputés, reptiles sertis, houle remuant des paquets de visages désossés, îlots de varech arraché… lui également. Sa songerie le porta dans les bras de Florence. Il l'enlaçait. Elle le repoussait, souriante, sans cruauté. Il vit un pays ; l'on y construisait des maisons liturgiques dépourvues de portes, bien qu'en trompe-l'œil fût peint des ouvertures sur les murs. Des sacrifiés dépérissaient-ils à l'intérieur de ces chaumières perversement décorées ? Puis, aux parages du réveil, l'intrusion bien connue (soufflerie, chaudière) : La puissance furieuse ébranle socles et plafonds de ses bottes de géant ; l'ogre étant le géant, l'ogre étant le regard sur le troupeau, séparant l'agneau du troupeau. Dévorement était l'ogre. Cet ébranlement qui éteint les rires, efface les sourires, précipite la nuit ; avalanche, éboulement, blocs de nuit, terre éventrée recrachant ses dépouilles -- or ce n'est pas cela…… Finalement il se leva, se frotta les jambes, hébété de pensée. Un souffle amer venait du large. Des trésors languissaient, des marins s'embarquaient, des nefs sombraient. Je suis loin de me sentir bien. Ou mal. Enfin… A l'instar de tous les clébards, celui-ci veut d'abord croûter. " T'as la dalle mon vieux ? " Ce tic de causer à Puck… J'aime pas trop… Question pour dire quelque chose avant de se pencher sur hier. Le ciel mat, chargé de pluie, faisait du porte-à-porte. Il avait laissé un faire-part à remplir. " Que vas-tu faire de ta journée ? " Il se hasarda au Balcon. Le soleil s'était drapé de froid. Les heures piétinaient. Mais de là, de son pauvre perchoir, il surplombait le marché situé sur le quai opposé, les échines courbes des clients et des vendeurs. Les brumes enflaient sa poitrine. Odeurs grasses de cochonnaille et d'oignons frits. " Ils vont au Marché. " Des images de nuit traînaient intérieurement : chambres, armoires, boiseries ; sourdement il revécut les interminables courses par les couloirs et les escaliers qui l'écrasaient, trop grands pour lui, trop petits pour -- Puck l'avait rejoint, implorant une balade. Sous les yeux de Sedan, le Marché faisait l'effet d'une houle au pied de Nôtre-Dame des Gueux. Le chien et lui quitteraient le Balcon. Ils rejoindraient ceux qui passent, doigts gourds, par familles, par deux, seuls -- en cette fin d'année malheur à ces derniers… Il avait fini la plaquette d'amphés, révisé ses yeux, ses ongles, mais s'il s'était attardé sur les nombreuses marques de l'hiver (surtout après le salut du déserteur, ce coup sec de la nuque destiné à vider le verre rempli de Négrita), jamais il ne serait sorti. Cependant il emmena le chien qui voulait goûter l'air, non sans déraper un peu partout, encerclé de glaces. Et les voici tous deux emmenés dans l'aveugle blancheur du matin qui tourne court, se rassemble en éclairs, en stries de lumière. Matin moribond (" Quelle heure -- toujours elle ! -- est-il ? ") si agressivement livide qu'il fit deux pas en arrière. A l'autre bout de la laisse le chien en eut le souffle coupé. " Leurs jours passèrent, noirs voyageurs, qui ne pleurèrent point des ailleurs ; idéels éthers hors profondeur, ombres d'éclair, songes d'orpailleur, juste colère et faim au cœur, cette étrangère : la prime fleur… " Ma foi, pas si mal pour attaquer un samedi matin ! Totalement défoncé, tremblotant de plus belle, indifférent au chien qui s'empressait de se soulager, il mit ses lunettes. On l'aurait cru non-voyant. Et c'est ainsi que guidé par l'animal grisé d'odeurs, il s'engagea dans le Marché. Puck allait résolument de l'avant, trop heureux d'être enfin éloigné de la Maison, parmi ces étals de toutes natures, ces venelles voluptueusement parfumées en dépit du froid ( aaaah ces pâtés obèses, ces rillons fumants, ces volailles à la peau cloquée, craquelée, ces charcuteries pléthoriques, ces branchies écarlates, ces lapins écorchés…). Sedan prenait un plaisir enfantin à cette investigation. Quelle différence somme toute ? Le fond de tout… Hum… Que le ciel était couvercle ! Le ciel me frappait à la tête… Tiens donc, des poires en cette saison ? " Bonjour ! " " Bonjour ! " " Fait frisquette hein ? " " Dame, on en a vu d'autre ! Qu'est-ce qu'il veut le jeune homme ? Admirez-moi ces légumes ! Saveur garantie. Allez, allez ! On peut s'approcher ! Je vais pas vous mordre ! A-t-il fait son choix ? " " Je… je vais prendre des pissenlits. " " Une affaire qui marche ! Combien qu'il en veut ? " " Oh… Pour deux. " ( Même ici je mens. ) " Un peu moins. Ha, ha, ha ! Ouais, par la racine… Faut bien rigoler… Paraît que c'est bon pour plein de choses les pissenlits ?… " Le paysan était harmonieusement ridé. Sa casquette était crasseuse et son mégot informe s'éteignait obstinément ; de sorte qu'il le rallumait quelle que fût l'opération en cours, sans y prêter la moindre attention, parmi ses pommes de terre et ses œufs de ferme, avec une fasteuse maestria. Des gens comme ça ne peuvent mourir. Disparaître. Ils ont tellement connu la terre, tellement travaillé, tellement pétri la terre qu'ils ne peuvent pas pourrir dedans, en intrus… Je n'arrive pas à le croire. Dieu sait si j'ai la mémoire en loques !… Il y avait du purin dans la poussière mes frères. " Ca ira comme ça ? " " Paaarfait. " D'une main il se débrouilla pour sortir une pièce et payer. Le maraîcher lui rendit la monnaie. Son bouquet de pissenlits dans une poche, ses lunettes de soleil sur le nez, entraîné par une bête qui aurait pu tenir dans l'autre poche de son imperméable, il poussa plus avant, respirant d'une respiration de plongeur nu. " Messieurs dames ! Messieurs dames ! " " Avec cet ouvre-boîtes je vous assure que rien ne vous résistera ! " " M'sieurs-dames ! M'sieurs-dames ! " " Des noirmoutiers ! Oui monsieur, ce sont des noirmoutiers ! " " Faites une affaire ! Les trois homards pour 200 F ! " Sous les arcades, c'était le poisson maintenant : les crevettes frétillantes, les langoustines délicates, quasiment pellucides, les tourteaux renfrognés qui rendaient leurs dernières bulles, les soles empilées comme des crêpes, un râpeux tronçon de requin, de profonds paniers d'osier, véritables grouillis visqueux de civelles. Et des huîtres ! Des bourriches du sol à l'arceau, et des écaillers au milieu qui criaient, criaient… Tout d'abord apparut la tête, fureteuse et à l'affût -- Ce bon Prof ! C'était bien lui… un détail seulement ( Sans doute le genre de détail qui change tout que je ne suis pas en mesure de spécifier. ) faisait que celui de la veille -- aventuré aux abords de l'abîme où se déchirent les ombres brassant des masses térébrantes, alors qu'inexorablement elles glissent, un lambeau d'ombre entre les dents, vers ce qui attend jusqu'à la fin des temps -- n'était pas celui qui s'avançait à petits pas. Comment avait-il pu voir en ce placide bonhomme un ambassadeur surnaturel ? Ce n'était que le Prof, un excentrique à la retraite. Sa femme trimbalait un cabas efflanqué. Sûrement une délicieuse grand-mère. Ils échangèrent quelques mots. " Vous êtes convié à boire le thé " chantonna la vieille dame. Avec civilité, il déclina l'invitation. " Promettez-moi de nous rendre visite l'année prochaine. " " C'est-à-dire très bientôt mon ami. Nous comptons sur vous. " " A l'année prochaine donc, l'année du changement. " " Sans faute ? " " Sans faute. Bonne journée ! " Il fut notablement apaisé que le couple se fonde au sein de l'affluence grossissante, qui se faisait compacte devant les étalages. Cela ne dura pas. Dans l'escalade les voix avaient perdu leur caractère humain : les vendeurs mafflus gueulaient des prix -- c'était l'heure des lots et des " profitez-en ! " --, chacun d'eux s'efforçant de dérouter, détourner le client des concurrents voisins ; il fallait couvrir le concert orchestré par le profit, ce crescendo d'assauts vocaux, d'invectives madrées, de roulements de rires, ces volées d'incitations que décochaient des femmes vocifératrices aux mains rougies par la glace harcelant à la fois l'acquéreur (après avoir bien amorcé, elles ferraient ou harponnaient en fonction de l'espèce, et ramenaient leur prise, la fatiguant, l'endormant à l'aide d'un flot de paroles au débit ralenti) et les filles emperlées de sueur qu'elles obligeaient à recenser fiévreusement les poissons, à les orner de persil, à refaçonner la glace pilée (" Tout juste si on ne leur demande pas de ranimer les daurades… ") qui fondait dans cette mêlée ruisselante. On passait des commandes pour le grand marché du mercredi. Des acheteurs palabraient. On affriandait, on offrait à certains une huître verte qu'ils gobaient en balançant la tête. Continuellement Puck risquait de se faire écraser. Que pouvait-il voir, là, tout en bas, aussi invalidé que Sedan ? Il se retrouva dans les bras de l'homme aux lunettes noires qui, vraiment, devenait aveugle, la transpiration condensée sur les verres, et qui ne cherchait qu'un moyen de s'extraire de ce nœud mouvant, et quel meilleur moyen que couper à travers foule ? Oui c'était pressant : il pouvait tomber sur n'importe qui, et il se refusait à rencontrer quiconque. Crampes abdominales, nausées… puisqu'il avait négligé de prendre sa codéine. L'affaiblissait cet entremêlement de mort et de vivants -- et les vivants l'emportaient, leur coagulum s'enflait convulsivement de toutes ces voix en désaccord qui fusionnèrent en un son caverneux. Sedan tenait fermement le chien dans ses bras. Puck ouvrait de grands yeux curieux sur ce monde nouveau : aaah ces senteurs chargées de viande rôtie, ces arômes qui l'avaient charnellement alléché… " Tu me baves dessus abruti ! " Il baissa les oreilles : le haut-animal faisait la grosse voix, celle qu'il faisait rarement et dont la dureté lui inspirait autant de terreur que la voix très douce qu'il faisait dans la Cuisine quand c'était tout noir autour de la Maison et que le silence du dedans était plus noir encore, plus assourdissant que tous ces cris actuels -- eux au moins ne lui intimaient pas de manger ce qui est défendu --, et d'autres choses qu'il ne comprenait pas et qui le mordaient dans sa tête. Alors pourquoi le haut-animal aux yeux invisibles voulait-il l'effrayer ? Il pouvait sentir sa propre peur. Il connaissait l'odeur. Et la peur des grands, la peur de quelques hauts-animaux peut devenir dangereuse. Impossible de jouer, mieux vaut se cacher comme un vulgaire petit chat. Sedan se ressaisit à l'instant précis où sa main allait punir l'innocente bête. Se frayant un chemin, bousculant d'innombrables inconnus lorsqu'il n'avait pas réussi à suivre le courant de la fuite, fourvoyé, drossé par le flux, il s'était vu acculé, avec une seule idée : s'échapper du Marché. Et acheter par ailleurs assez de sirop pour se maintenir debout en attendant Florence.


" Au Regal ! Au Regal cornegidouille ! "

" Quelle heure il est ? "

" Presque une heure. " Que la rue est froide, a-t-elle planqué son âme ? Ou les âmes des résidents qui l'empruntent jour et nuit ? La nuit. La nuit bien présente. Toujours elle, au diapason des discordances. La Nuit, avec haine majuscule. Pas de place Ici pour autre chose. " Ici j'ai voulu un monument. " " Un monuments aux morts, évidemment ! " " La tombe du Résident Inconnu. Le feu n'arrêterait jamais de brûler, rénovant l'ordonnance… " " Hé, hé… L'ordonnance… " " L'ordonnance des hiérarchies. Le feu d'un briquet jetable. " Jonas dérapa sur une plaque d'égout. A la renverse, il se vit délivré de l'oppressante subordination. Trop soûl décidément, il s'énerva : " On est où ? " " Sur les lieux du Meurtre. " Sedan l'aidait à se relever. Plus loin Jonas l'aidait à se relever. Le Cimetière avait patienté. Ironiquement proche du Régal. " Je sais ce que je cherche : je cherche ce que j'ai perdu. " " Dans un cimetière ? " " Les tombes sont des embarcadères… Le nombre de lieux d'où nous ne sommes pas revenus… Ce que j'ai laissé de moi ici, à chaque fois… Le nombre de lieux où j'ai été divisé… " " J'vais chialer. Tu sens pas ?… " \\\ " Sentir quoi ? " questionna l'homme, la trentaine soignée, pantalons noirs tire-bouchonnés, cheveux teints aux tempes, une mallette à la main… " Comme on se retrouve ! " " Qui t'es toi ? " " Gardez le contrôle Jonas ", dit un second individu, yeux froids de l'autre côté des verres non cerclés de ses lunettes d'animateur télé, une mallette à la main… Elégamment gantées, leurs mains semblaient prêtes à tout, greffées au bout de leurs bras. " Si vous ne vous rappelez pas… " Les yeux de Sedan papillonnèrent. " On s'connaît ? " fit-il la gorge nouée. " Foutrerance ! les deux crétins du Buffet ! " " Bien vu Jonas ", dit l'homme n°1. " Nous nous sommes rencontrés tout à l'heure à la Gare. Et vous nous avez intéressés mon collègue et moi. Mais laissez-moi nous présenter : je suis Monsieur Norbert, et voici monsieur Hernando Sadosky. " " Nous sommes correcteurs dans une maison d'édition ", dit ce dernier. " Cela pourrait vous faire dresser l'oreille monsieur Sedan… " Aucune réaction. Sadosky n'insista pas. Il changea imperceptiblement d'intonation. " Nous sommes correcteurs entre autre chose… " Monsieur Norbert prit le relais : " En fait, nous sommes également et conjointement représentants. Et nous avons là quelques articles susceptibles de vous être utiles. " " Ne sentez-vous pas ? " fit Sadosky accroupi en ouvrant sa mallette. " Si ", intervint Jonas. " L'effluve du rade. L'eau de toilette, la pisse, et toutes les sécrétions du monde tangible… La sueur : froide c'est celle de la peur, tiède celle du bluffeur, chaude celle du baiseur. On arrive au Régal mon vieux. " Quel véhément vous faites ", dit plaisamment Sadosky qui venait de se redresser, et qui manipulait un engin métallique tubulaire noir. " J'vois l'genre : des vendeurs de vibromasseurs… " " Vous n'y êtes pas du tout du tout. Je vais vous montrer… Penche-toi Monsieur Norbert… " Monsieur Norbert se pencha et releva les pans de sa gabardine. Une prise électrique apparut au lieu d'un anus. " Je branche l'instrument… Entendez-le grésiller… Qu'est-ce que c'est ? vous interrogez-vous… Eh bien ceci est le fameux Compteur Algique ! Un mesureur de souffrance, si vous préférez. " " Gu'en dides-fvous ? " marmonna Monsieur Norbert les dents serrés sur l'étoffe de sa gabardine. " Pas mal hein ? Houla ! l'aiguille est dans le rouge Ici. Radiations intenses. Ca peut servir. Pour tout vous dévoiler, la situation va empirer d'heure en heure. Il vous suffit de lire ces trois chiffres… là, en rouge… oui, c'est ça… Une seule solution : les biscuits Lylia. Mais vous êtes un connaisseur monsieur Sedan, n'est-ce pas ?…. " " C'est-à-dire… je… " " Tatata ! je sais tout de vous. Je sais même ce qu'il vous faut. Pas vrai Monsieur Norbert ? " " Ch'est vrai Jadochsky. " " Tu peux remonter ton froc. " Monsieur Norbert, tout congestionné, la mèche en bataille, remonta son froc. " Et ce n'est pas tout ", dit-il rayonnant. " Le Compteur Algique fait aussi psychoscope. " " En option… " " Oui Hernando, en option… Mais quelle option ! " " Tenez, regardez là-dedans. Laissez-vous tenter. " Sedan fit un pas en avant. Jonas le retint par le bras au bord du précipice. " Regardez votre ami Jonas. N'ayez pas peur. Vous n'êtes plus un enfant que je sache. " " Le psychoscope est trafiqué ! " s'écria Jonas. " Il va te sauter à la gueule. Ne regarde pas ! Vous, foutez-moi le camp ! Foutez-moi le camp !! " Monsieur Norbert fit mine d'ouvrir sa mallette. " J'ai des paquets de billets pour l'émission La Roue de la Matrice… " " Garde-les salaud ! " " Vous ne souhaitez pas jouer votre prochaine réincarnation ? " " C'est truqué ! Disparaissez ! " " Gagnez une nuit avec Lylia, notre mannequin vedette. " " Non ! " " Avec Estelle alors ? " Jonas bondit sur l'homme à mallette. " Avec Florence ?… " " Nooon !! " \\\ " L'effluve du rade. L'eau de toilette, la pisse, et toutes les sécrétions du monde tangible… La sueur : froide c'est celle de la peur, tiède celle du bluffeur, chaude celle du baiseur. On arrive au Régal mon pote. Le dernier endroit où finir la nuit. Le dernier nœud du nid de serpents. " " Qu'est-ce que tu racontes ? " " Rien ", répondit Jonas. " Vous désirez ? " s'enquit fielleusement le cerbère attaché à l'établissement. " Boire une bière. " . Apparurent les Sœurs de l'Incessante Mansuétude. Leur couvent était à deux pas du Transmaniac. " Ouais ! voici le cimetière du Transmaniac ! " ne manqua pas de vibrionner Jonas. " Tu es impossible. " La sœur en chef, bonne pâte, bifurqua vers eux, suivie des nonnes. " Biin les mâles ", dit-elle, " on se tient une sacoche ? " " De feu de Dieu ma sœur. " " Où allez-vous ainsi mes frères ? " " Nous faire enculer ", siffla Jonas. Non ! ne dis pas ça Jonas ! ne dis pas ça ! Nous allons au Ciel, nous allons au Ciel comme elles/eux. Ne vois-tu pas combien nous méritons tous d'y aller, combien l'amour (même s'il est constamment souillé par les médias, et qu'abondance tue le sens, qu'on n'a jamais autant dégoisé sur ce qui nous manque, autant développé dans le vide) est la base sur laquelle repose le monde ? Combien l'amour et le… l'amour tout court, cette idée, cette vue de l'esprit, cette utopie qui nous fait vivre nous et nos persécuteurs, nous et nos persécutés, nous tous, tous ! le monde entier l'amour le fait parler la langue des hommes, l'unique langue des hommes, celle des humbles et des puissants, des proies et des chasseurs, des algues et des rochers, des animaux, de la souris, la fourmi, la chenille, des petits, des tout-petits, des tapettes, des drogués, des bandits : tous, tous sans rien attendre d'eux qu'ils soient, car la bonté est à l'origine du Mal, l'amour est la cause de la souffrance, stigmate de ce monde, par amour du monde, par amour de l'être le pur néant de l'amour s'est fait souffrant, et l'amour ne juge pas, il comprend, il accepte, il s'accepte, et accepte-les Jonas, accepte-moi plus que je ne le puis, ne prie pas pour moi : accepte-moi, aime-moi, aime-toi, et aime-les, aime-les pour deux, pour trois, pour mille, pour la Terre entière, aime-les pour rien ! " Oooh vous m'avez l'air de deux fichus sacripants ", dit la supérieure en roulant des billes. " Joignez-vous à nous… " " Ooouuiiiii ! " firent en chœurs les travestis. " Nous allons prêcher la bonne parole au Transmaniac. " " Vous allez prêcher des convertis ", signala Jonas. " Nous avons eu une dure journée. Nous avons essuyé les insultes de jeunes gens de prime abord intelligents, ouverts à leurs prochains. " Une sœur de l'Incessante Mansuétude gloussa. " Ha ça va ! Ce serait délire si on s'en tenait à défiler en bonnes sœurs en remuant du popotin… Mais on distribue des préservatifs. On milite contre la connerie et la mort. " " Ca fait beaucoup ", concéda Jonas, redevenu un peu plus sérieux. " Oui, mais on milite avant tout pour la joie ! Dites grands fous, vous vous décidez ? " " En avant mes sœurs ! Montrez-nous le… le che… chemin ! " L'amour n'est pas sale. Rien n'est sale. Rien ne se " Prince je suis. Je suis. Réel je suis. Plus encore que la mort. Prince dévoreur à l'appétit précaire. Prince blasé dévoré d'appétit. Mangeur de cervelles, mangeur de cœur, cracheur de feu céleste, vomissure d'extase. Prince infiniment cruel. Arbitre de la justice du plus fort. Juste entre les justes. Prince de la réalité. Soumettez-vous à moi, soumettez-vous, et vous régnerez sur la réalité du monde : Réalité porno du monde, parce que le monde est en vente ; choquante comme deux amoureux qui font l'amour, comme la vérité toute nue. Ridicule feuille de vigne sur la bite et la foune d'Adam et Eve. Vérité boursouflée de moralité : la vertu sépare la vérité de la réalité. Celle-ci n'a que très peu à voir avec l'humain tel qu'il est sous mes yeux. Plus menteur que moi je vous dis. Pas même digne de la vérité -- ce mensonge de la réalité. Or c'est le propre de l'homme, la vérité. Et c'est le propre de l'Eternel, la réalité. La nature éphémère du vide est un leurre, celle de notre existence non. Plus je dis la réalité du monde… plus la vérité est grosse moins elle passe. Essayez, vous verrez. C'est bon. Je passe donc je suis. Prince je suis. "


Je retrouverai dans l'immondice la clef de la cité céleste, sous laquelle, guidés par Ceux qui pleurent dans la nuit de la Résidence, les Sourciers de l'Ordure affrontent les sécrétions corrosives de la Machine à rêves et les séides du Prince… D'ailleurs --------------------- je le vois… Assis sur son trône de pierre grise et froide, seul, lassé des danses des présences horrifiées qui espèrent arracher, dans l'intention d'échapper au Supplice Sans Bornes, un sourire à ce nuage noir percé d'yeux phosphorescents et d'une bouche-souffreuse, lésions putréfiées toujours ouvertes où se concentre le pouvoir. Mais il suffit que le Prince s'ennuie trop vite pour qu'il choisisse une ou plusieurs visqueuses et les précipite là d'où personne n'est jamais remonté. Couloirs pavée de visages hurlants écrasés par les bottes du Prince qui parcourt l'immensurable cave, déterminé à s'occuper des occupants d'une chambre parmi l'infinité des chambres à tourments dont une chiourme au sort sans espoir se charge de concevoir les tortures aux raffinements inouïs qui font les délices du Prince et de sa cour de politiciens, de militaires, de vedettes médiatisées, de technocrates. Voici le banquet : " Le moment est arrivé messieurs les ministres. Ramassis de parasites aux ventres mous farcis de mets délicats. Tiens, goûte-moi cette crème d'effroi. Vous n'avez guère l'occasion de vous réjouir de semblables recettes au Ministère de la Communication, hein vieux bouffi ? Et toi, général cacochyme, ça te dirait un petit tour au Domaine Infect, avec ces pouffiasses de journalistes ambitieux et cette vieille baudruche de Seigneur des Décapitations qui chichitait en direct au beau milieu des divas camées de la Troupe pendant que les bras cassés, recrutés par mon très cher et très voluptueux ami le Directeur des Programmes, n'étaient pas foutus de filmer Sedan bien embusqué dans l'Angle Mort, et que Jean-Pierre Daljezaïr paradait sur tous les écrans du Tréfonds ? " Les invités n'osent plus pomper les tubes enfoncés dans les présences cuisinées par le Chef Tortionnaire et ses marmitons. " Allez-y, abusez de mon hospitalité. Tant que je vous y autorise… " Le Prince jette son pouvoir sur un antivirologue. Le sol s'ouvre et il tombe en braillant un " Maman ! " effroyable. Le Prince inspire si fortement que les Autorités en suffoquent puis déroule un de ses doigts vers la présence 58. " Sylvain Rabeau, je ne remets pas en question votre moisson de résidents ; je veux que vous n'oubliez pas ce qui vous attend si vous échouez. Comme ce spécialiste du M-102 (le Virus du Narrateur-Tueur), spectateur assidu de Que mangent-ils ? maintenant livré aux Disperseuses, de manière à ce que soit multipliée sa souffrance, grâce au diplosome que je vous ai tous implanté. " Un gouffre plongeant dans un gouffre, cratère béant sous un ciel d'éclipse, peuplé de tribus groupées autour de feux, rôtissant je ne sais quelle viande interdite, dormant et copulant et déféquant dans les cavernes creusées par des mains griffues, troglodytes accroupis grognant à chaque étage du conduit à l'énorme circonférence, spirale sondant les origines. Sedan voyait les ombres durcirent les traits des indigènes du gouffre. Les arcades velues, les muscles maxillaires, les fronts fuyants. Il écrivait du mieux qu'il pouvait. Il décrivait LA JONCTION ! IL FAUT OPERER LA JONCTION. AVANT LA FIN. IL FAUT EN FINIR ET LE SEUL MOYEN EST : LA JONCTION. AVANT QU'IL NE SOIT TROP TARD. FAUT LEUR REGLER LEUR COMPTE A CES FUMIERS. FAUT LEUR SIGNIFIER LEUR INSIGNIFIANCE. LA JONCTION ! LA JONCTION ! QU'ON EN FINISSE. " Je serai peut-être mort avant que l'on divulgue les résultats de L'Investigation. " Entreprise de démolition - " Quels tortillements du croupion ! Faire de la littérature ! Voilà ton égarement. Tout sonne faux. N'apporte pas ta contribution au mensonge sur lequel nous vivons. Faire, c'est faire semblant. Ecrire c'est mentir. T'as pas de couilles ! Monsieur veut bâtir un récit, ou je ne sais trop quoi ni lui. Alors il ment, que c'en est insupportable à la fin. Que c'est tout juste plus tolérable qu'une exaction de chiens à face humaine, n'importe où dans le monde. Alors quoi ? Tes personnages on n'y croit pas. Tes dialogues ? Et que je frime et que je flambe et que je triche ! Même pas sous ton nom -- qui est le mien -- mais par procuration. Sous couvert de "littérature" monsieur croyait pouvoir s'autoriser des aises avec la vérité. Vas-y franco, t'encombre pas de salamalecs, essaie pas d'en foutre plein la vue ! De toute façon, tu connais que dalle à la littérature précieuse. Et la coke ? combien de fois t'en as pris ?… C'est pour les riches. En revanche, acides et amphétes je dis pas, monsieur sait à peu près de quoi il parle. T'aurais mieux fait de parler du rock. Tu connais quand même plus les bistrots déserts que les salles de conférences. Eh non ! monsieur a voulu se mentir et de fait, vous mentir. Faites-le comparaître ! Le ministre de la Communication offrait le spectacle d'un orateur véreux, d'un félon, d'un corrompu. Il connaissait son affaire : " Comment… " ton indigné " osez-vous ? " il reculait devant la gravité du délit, l'œil humide " Comment osez-vous soupeser ainsi les mots, jouer avec eux ? Jouer avec les rêves ? " " Les rêves sont le chemin sacré du temps. " " Le Calvaire ? dites-le ! " " Les formules sont de mon ressort, si vous permettez. " " C'est là votre emploi… " " Le temps ne suit plus un cours, le temps est statique, la staticité suppose la mort : Rien n'est mort… La matière s'éclaire au contact de l'esprit. L'énergie baigne tout. L'identification à la matière a créé la dualité et la vénération de l'obstacle. " " N'ayant pas dualité, comment l'esprit s'est-il oublié dans l'esprit, la matière dans la matière ? " " Ou la matière dans l'esprit, etc. ?… Parce que le fruit de la Connaissance donnait le temps. L'homme et la femme ne se sont pas vus nus mais vieillissants. Nous, les descendants, n'avons pas honte, nous avons peur. " La Lumière-Juge inonda l'esprit de Sedan, la pensée refluant devant elle, le ministre ne laissa qu'un tas d'habits, les journaleux étaient tous nés au même instant et se ressemblaient comme des clones, la poussière des morts coulait à l'intérieur du sablier qu'un inverti retournait sans relâche ; et Sedan muet tremblait sous ses propres yeux. La Résidence : fille du temps enfantant l'avorté ; princesse du progrès ; patronne des jeteurs de sorts et des financiers ; fille aînée de l'Eglise Temporelle et des trafiquants de la Drogue-Temps, celle qui fournit leurs meilleurs alibis aux grands truands, ce qui a pour conséquence de réduire à néant les efforts des enquêteurs et les greffes judiciaires opérées à l'arrivée sur les voyageurs-fœtus, à la douane cauchemardesque des trois aiguilles ; pays de l'Hôpital, du Tilleul en rébellion, du Château, de l'Ile de la Paix dissidente, de la Gare et du Port, du Cimetière, de la Maison Bergamme… Lorsqu'il releva le front, il sut que la nuit était là. Mais… une croix… -- provoquée par un réverbère ?… la lumière parle toutes les langues -- sur la porte de la Cuisine… Je vous en prie, apprenez-moi à prier. Faites-moi prier. J'entends à peine ma prière, un monstre s'en saisit, quelle est cette prière ? A moi de réunir ce qui est désuni. Je ne connais qu'une prière : Je t'aime. Florence, cet enfant, que dans mon délire j'imaginais nôtre, je l'aurais aimé, j'espère… Pas de nuit plus obscure, de noirceur plus entière que la nuit de l'homme sans prière.


Changement de stratégie : manœuvre juridique n°544 (le Procureur du Tréfonds et le Prévenu de la Résidence). " Vous devrez répondre de l'acte d'accusation suivant : complicité de chaos, incitation au dissentiment, espionnage relationnel, intelligence avec Inertia, pour le compte de qui vous avez commis plusieurs vols avec infection, dérobant des précieuses diagraphies conjugales, propriétés exclusives de la Banque du Sens, et d'avoir propagé une Nouvelle Maladie : la maladie du froid, laquelle induit le syndrome fidéodéficitaire. " " J'étais sous l'emprise des drogues, ce n'est pas moi, je ne suis pas entièrement responsable de ce que j'ai fais subir à mes parents, à mes amis (de plus en plus épars et c'est normal), à mon prochain comme à moi-même ; ce monde est dur, ce monde est glacé, les larmes ne tarissent jamais la douleur infligée ; voilà pourquoi je veux fuir, pourquoi je deviens indifférent, pourquoi je suis absent… voilà pourquoi j'en viens à souhaiter ma dégradation, encore vaguement, mais ainsi qu'une source de plaisirs ; m'avivant à l'autodestruction, mais sous sa forme indigne et lâche… " Le Procureur savoura sa victoire, s'efforçant de dissimuler qu'il l'aurait préférée moins facile. Peine perdue : le Prince pulvérisa l'impertinent magistrat ; dans la Salle, il lança les séquences-Meurtre. Sedan redoubla instinctivement de grimaces afin de parer à l'offensive. " C'est tout ? Un bébé ouvert aux ciseaux ? " Il lécha lascivement le Miroir. Les têtes ailées disparurent.
la convergence intégrale implique la convergence normale.